Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/353

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bruit des pas ; le faucheux s’arrêtait dans sa course agile, effarouché par la vue d’un être humain dans son domaine héréditaire, et restait suspendu, sans mouvement, le long du mur, faisant le mort, en attendant que ces intrus fussent passés.

Les deux usuriers visitèrent depuis la cave jusqu’au grenier, faisant crier chaque porte sur ses gonds, pour regarder dans chaque chambre déserte. Pas de Marguerite. Ils finirent par venir s’asseoir dans la pièce ordinairement occupée par Arthur Gride, pour se délasser de leurs recherches inutiles.

« La vieille sorcière est sortie, je suppose, dit Ralph se préparant à s’en aller, pour quelque emplette, afin de mieux fêter vos noces. Tenez, je déchire notre billet ; nous n’en avons plus que faire. »

Gride, qui venait de regarder avec soin tout autour de la chambre, tomba tout à coup à genoux devant un grand coffre, et poussa un cri d’effroi épouvantable.

« Qu’est-ce que vous avez donc ? dit Ralph en se retournant avec colère.

— Volé ! volé ! cria Gride.

— Volé ? de l’argent ?

— Non, non, non ; pis que cela, bien pis.

— Quoi donc ?

— C’est bien pis que de l’argent. Ah ! si ce n’était que de l’argent ! répéta le vieux ladre en farfouillant dans les papiers du coffre, comme une bête sauvage qui gratte la terre de ses pattes. Elle aurait bien mieux fait de me voler de l’argent… tout mon argent… avec cela que je n’en garde guère. Elle aurait mieux fait de me réduire à la mendicité, au lieu de faire ce qu’elle a fait.

— Fait quoi ? dit Ralph. Voyons ! qu’est-ce qu’elle a fait, radoteur du diable ? »

Gride, toujours sans répondre, plongeait et replongeait ses mains crochues dans les papiers en criant, en hurlant comme un possédé.

« Il vous manque donc quelque chose ? dit Ralph en fureur, le prenant au collet. Qu’est-ce que c’est ?

— Des papiers, des actes. Je suis un homme perdu, ruiné, ruiné ! Je suis volé, je suis perdu ! Elle m’a vu le lire… cela m’arrivait souvent… elle m’a épié… elle m’a vu le mettre dans son étui… l’étui n’y est plus… elle l’a pris… Malédiction sur elle ! elle m’a volé.

— Mais quoi ? cria Ralph illuminé d’une inspiration soudaine qui faisait étinceler ses yeux et trembler tous ses membres