Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/386

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mesure que le temps se passait sans qu’il reçût des nouvelles de Newman Noggs. Après avoir attendu presque toute l’après-midi, tourmenté par des appréhensions et des pressentiments de divers genres, par le souvenir de l’avertissement que lui avait donné son neveu Nicolas à leur dernière rencontre, et dont la confirmation ne se montrait déjà que trop, sous une forme ou sous une autre, sans lui laisser un moment de repos, il sortit, et, sans se rendre bien compte des motifs, entraîné par son agitation et ses craintes, il se dirigea vers la demeure de Snawley. Ce fut sa femme qui vint lui ouvrir, et Ralph lui demanda si son mari n’était pas à la maison.

« Non, dit-elle d’un ton aigre ; certainement non, qu’il n’y est pas ; et je ne crois pas qu’il y soit de longtemps ; c’est bien plus fort.

— Est-ce que vous ne me connaissez pas ?

— Oh ! que si, que je vous connais bien… trop bien, peut-être, et lui aussi ; je suis bien fâchée de vous le dire.

— Allez donc l’avertir que je viens de le voir de l’autre côté de la rue, à travers la jalousie du premier étage, et que j’ai à lui parler d’affaires… Est-ce que vous ne m’entendez pas ?

— Je vous entends bien, répondit Mme Snawley, sans se mettre autrement en devoir d’exécuter sa requête.

— Je savais bien, se dit Ralph à lui-même en passant devant elle sans façon, que cette femme-là était une hypocrite, avec ses psaumes et ses citations de la Bible ; mais je ne m’étais pas encore aperçu qu’elle se prît de boisson.

— Arrêtez ! lui dit la douce moitié de M. Snawley en lui barrant le passage de sa personne, et une robuste personne encore ; vous n’entrerez pas, vous ne lui en avez déjà que trop parlé, d’affaires. Je lui disais bien où cela le mènerait de traiter et de manigancer quelque chose avec vous. C’est vous ou le maître de pension, à moins que ce ne soient tous les deux, qui avez forgé la lettre, rappelez-vous cela, et non pas lui ; ainsi, n’allez pas la lui mettre sur le dos.

— Allez-vous vous taire, vieille Jézabel ? dit Ralph en regardant avec crainte autour de lui.

— Pardienne ! je ne sais peut-être pas quand je dois parler ou me taire ! repartit la dame ; tâchez seulement, monsieur Nickleby, d’en faire taire d’autres.

— Chameau ! dit Ralph. Si votre mari a été assez bête pour vous confier ses secrets, sachez au moins les garder, démon que vous êtes.

— Ce ne sont pas tant ses secrets à lui que ceux d’autres