Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/420

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l’idée d’y renoncer serait pour elles une source de véritable affliction, pour lui une source de remords et de regrets d’en avoir été la cause malheureuse. Un jour à venir, quand tout cela serait oublié, il espérait aussi que M. Frank et lui n’en resteraient pas moins bons amis ; il pouvait promettre, au nom de son modeste intérieur et de celle qui ne demandait qu’à y rester pour partager son humble fortune, que pas un mot, pas un souvenir pénible de ce côté ne viendrait troubler leur harmonie. Il raconta avec exactitude tout ce qui s’était passé entre Catherine et lui, le matin même. Il parla d’elle avec une telle chaleur d’orgueil et d’affection fraternels ; il mit tant de gaieté et de bonne humeur à rappeler la promesse qu’ils s’étaient faite de surmonter tout regret intéressé, et de passer leur vie contents et heureux de l’amour l’un de l’autre, qu’il eût été difficile de l’entendre sans en être attendri. Enfin, plus attendri lui-même qu’il ne l’avait encore été, il exprima en peu de mots, simples, mais plus expressifs que les phrases les plus éloquentes, son dévouement aux frères et son ferme espoir de vivre et mourir à leur service.

Le frère Charles écouta tout cela dans un profond silence, sa chaise tournée de manière que Nicolas ne pût voir son visage. Le peu de mots qu’il avait dits, il ne les avait pas non plus prononcés avec son aisance accoutumée, mais plutôt avec une sorte d’embarras et de roideur qui n’étaient pas dans sa manière. Nicolas crut devoir lui demander s’il ne l’avait pas offensé sans le vouloir. « Non, non, dit-il, vous avez bien fait ; » mais il n’en dit pas davantage.

« Frank, ajouta-t-il après que Nicolas eut fini, est un imprudent, un écervelé ;… oui, très imprudent ; un vrai fou. Je vais m’occuper de mettre ordre à cela promptement. N’en parlons plus ; cela me fait de la peine. Revenez me voir dans une demi-heure. J’ai d’étranges nouvelles à vous annoncer, mon cher monsieur, et votre oncle nous a donné rendez-vous cette après-dînée à vous et à moi pour aller chez lui.

— Aller chez lui ! avec vous, monsieur ! s’écria Nicolas.

— Oui, avec moi, revenez me voir dans une demi-heure ; je vous en dirai davantage. »

Nicolas n’y manqua pas, et là, il apprit tout ce qui s’était passé la veille et tout ce qu’on savait du rendez-vous pris avec les frères Cheeryble. C’était pour le soir même, et, pour mieux suivre les événements, il nous faut revenir sur nos pas et nous attacher à ceux de Ralph, à partir du moment où il sortit de leur maison. Nous laisserons donc là Nicolas, un peu rassuré en les