Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/436

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Miss la Creevy dit qu’elle ne savait pas trop. Pourquoi donc disait-elle qu’elle ne savait pas trop ? car enfin elle devait bien savoir si c’était vrai ou faux.

« Il me semble, continua Timothée, que cela devrait nous donner l’envie de nous marier tous ; qu’en dites-vous ?

— Quelle folie ! répliqua miss la Creevy en riant. Est-ce que nous ne sommes pas trop vieux ?

— Ma foi non ! dit Timothée ; nous sommes plutôt trop vieux pour rester dans le célibat. Pourquoi, par exemple, ne nous marierions-nous pas tous les deux, au lieu de rester là, tout le long de l’hiver, seuls au coin de notre feu respectif ? Nous pourrions faire l’économie d’une cheminée, en mariant nos feux ensemble.

— Ah ! monsieur Linkinwater, vous vous moquez.

— Moi ! non, du tout. Bien loin de là. Tenez ! si vous voulez, je veux bien. Allons ! un petit oui.

— On en rirait trop dans le monde.

— Laissez-les rire, cria Timothée d’une voix de stentor. Nous avons un bon caractère ; nous rirons avec les autres. Combien de fois n’avons-nous pas déjà ri à cœur joie depuis que nous nous connaissons !

— Pour ça, c’est vrai, cria miss la Creevy prête à céder, à ce qu’il sembla à Timothée.

— C’est bien le plus heureux temps que j’aie passé dans toute ma vie… au moins, loin des affaires de la maison Cheeryble frères, dit-il. Allons, ma chère, dites donc que vous le voulez bien.

— Non, non ! il ne faut pas penser à cela. Et que diraient les frères ?

— Mais, Dieu merci ! cria Timothée dans son innocence, il me semble que c’est une chose à laquelle je peux bien penser sans leur demander conseil. Et puis, est-ce que vous croyez que, s’ils nous ont laissés seuls ici, c’était pour autre chose ?

— Je ne pourrai plus jamais les regarder en face, s’écria miss la Creevy, qui ne résistait plus que faiblement.

— Allons ! dit Timothée, nous ferons un couple fort heureux. Nous demeurerons dans cette vieille maison que j’habite déjà depuis quarante-quatre ans. Nous irons ensemble à la vieille église, où je n’ai pas manqué d’aller tous les dimanches, depuis le même temps. Nous aurons sous la main toutes mes vieilles connaissances, Dick, le portique, la pompe, les pots de fleurs, et les enfants de M. Frank, et les enfants de M. Nickleby, à qui nous servirons de grand-père et de grand-mère. Soyons cet heureux couple, pleins de petits soins l’un pour l’autre. Et s’il nous arrivait de devenir sourds, ou infirmes, ou