Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/102

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Ô prélat, prélat, dont le devoir envers la société consiste, à ce qu’il semble, à jeter des phrases gémissantes sur la triste décadence de ces temps malheureux dans lesquels t’est échu ton lot d’honneur, avant ton élévation à ce siège puissant, n’y avait-il rien eu d’où tu pusses tirer tes homélies pour réparer l’oubli du défunt dont tu viens de prendre la place, puisqu’il n’avait pas songé lui-même à ses devoirs véritables envers la société ? Ô magistrat, l’élite des gentlemen campagnards ou des braves esquires, n’avais-tu pas à remplir un devoir envers la société avant que les meules fussent en flammes et que la populace fût égarée ? ou bien fallait-il attendre l’événement pour faire sortir de terre, tout armé et tout botté, un corps de yeomanry au grand complet ?

Le devoir de M. Pecksniff envers la société ne pouvait être rempli avant le retour de Tom. Dans l’intervalle de temps qui précéda l’arrivée du jeune homme, M. Pecksniff eut une conférence secrète avec son ami ; si bien que Tom en se présentant allait les trouver tous deux prêts à le recevoir. Mary était dans sa chambre au-dessus : M. Pecksniff, toujours prudent et mesuré, avait supplié le vieux Martin de l’engager à y rester une bonne demi-heure, pour épargner à sa sensibilité la scène qui allait avoir lieu.

Quand Tom revint, il trouva le vieux Martin assis près de la fenêtre et M. Pecksniff à la table, dans une attitude imposante. À côté de lui était son mouchoir de poche ; de l’autre côté, une petite quantité (très-petite) d’or et d’argent et quelques pence. Tom reconnut, d’un coup d’œil, que c’étaient ses appointements du trimestre courant.

« Avez-vous fermé la fenêtre de la sacristie, monsieur Pinch ? demanda Pecksniff.

– Oui, monsieur.

– Je vous remercie. Posez ici les clefs, s’il vous plaît, monsieur Pinch. »

Tom posa les clefs sur la table. Il prit le trousseau par la clef de la tribune de l’orgue (bien que ce fût l’une des plus petites), et il la contempla fixement lorsqu’il l’eut posée. Cette clef avait été pour Tom une vieille, une bien vieille amie ; elle avait été durant bien des jours sa chère compagne.

« Monsieur Pinch, dit Pecksniff secouant la tête, ô monsieur Pinch ! Je m’étonne que vous osiez me regarder en face ! »

Tom le fit cependant, et, quoique nous ayons parlé souvent de son attitude humble, il se tint aussi droit que personne.