Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/103

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« Monsieur Pinch, dit Pecksniff, saisissant son mouchoir, comme s’il pressentait qu’il ne tarderait pas à en avoir besoin, je ne m’appesantirai point sur le passé. Je veux vous épargner au moins et m’épargner à moi-même ces pénibles réminiscences. »

L’œil de Tom était sinon brillant, du moins très-expressif, quand il regarda M. Pecksniff et lui dit :

« Merci, monsieur. Je suis heureux que vous ne reveniez point sur le passé.

– Le présent suffit, dit M. Pecksniff, laissant tomber un penny, et plus tôt il sera fini, mieux cela vaudra. Monsieur Pinch, je ne veux pas vous renvoyer sans un mot d’explication. Cette conduite ne serait pourtant que trop justifiée par les circonstances ; mais elle aurait une apparence de précipitation, et je n’en ferai rien : car, ajouta M. Pecksniff en laissant tomber un autre penny, je suis parfaitement maître de moi-même. En conséquence, je vais vous répéter ce que j’ai déjà dit à M. Chuzzlewit. »

Tom porta son regard sur le vieux gentleman, qui témoigna par quelques signes de tête qu’il s’associait à la pensée et aux déclarations de M. Pecksniff, mais sans prendre autrement part à la scène.

« Monsieur Pinch, dit Pecksniff, d’après les lambeaux d’une conversation que j’ai surprise tout à l’heure dans l’église et qui avait lieu entre vous et miss Graham ; je dis des lambeaux, parce que j’étais endormi à une distance considérable de vous quand je fus éveillé par vos voix ; d’après ce dont j’ai été témoin, j’ai reconnu (et j’aurais donné bien des choses pour n’avoir point ce chagrin, monsieur Pinch ! ) qu’oublieux de tous les liens du devoir et de l’honneur, sans égard pour les lois sacrées de l’hospitalité par lesquelles vous étiez uni à cette maison comme un parent, vous aviez osé adresser à miss Graham, sans retour il est vrai, des paroles de tendresse, des propositions d’amour ! »

Tom le regarda fixement.

« Le nierez-vous, monsieur ? demanda M. Pecksniff, laissant tomber une guinée et quelques pence, et faisant grand bruit pour les ramasser.

– Non, monsieur, répondit Tom. Je ne le nierai pas.

– Vous ne le niez pas, dit M. Pecksniff, lançant un regard au vieux gentleman. Veuillez compter cet argent, monsieur Pinch, et signer ce reçu. Ah ! vous ne le niez pas ? »