Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/105

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Tom avait songé à lui épargner la petite piqûre de certaine lancette qu’il avait en son pouvoir ; mais en entendant ces dernière paroles il changea de disposition et lui dit :

« Je crois que vous avez laissé quelque chose dans l’église, monsieur.

– Je vous remercie, monsieur Pinch, dit Pecksniff. J’ignore ce que ce peut être.

– C’est votre binocle, je pense, dit Tom.

– Oh ! s’écria Pecksniff avec quelque peu de confusion, je vous suis obligé. Posez-le là, s’il vous plaît.

– Je l’ai trouvé, dit lentement Tom, quand j’ai été fermer la fenêtre de la sacristie… Je l’ai trouvé dans le banc. »

C’était la vérité. M. Pecksniff, pendant qu’il ne cessait de se lever et de se baisser, avait retiré ce lorgnon de peur qu’il ne heurtât contre le panneau, et il l’avait oublié. Tom, en retournant à l’église, poursuivi par l’idée qu’il avait été espionné et se demandant avec étonnement où pouvait être le poste d’observation, eut un trait de lumière en voyant ouverte la porte du banc officiel. Ayant regardé à l’intérieur, il trouva le binocle. C’est comme cela qu’il apprit et qu’il donna à entendre à son retour à M. Pecksniff qu’il savait où s’était tenu son espion ; et qu’au lieu d’avoir saisi simplement quelques lambeaux de conversation, celui-ci avait eu le plaisir de savourer chaque mot.

« Je suis content qu’il soit parti, dit Martin, respirant longuement lorsque Tom fut sorti de la chambre.

– C’est un soulagement, dit M. Pecksniff d’un ton d’assentiment. C’est un grand soulagement. Mais ayant accompli (avec une fermeté suffisante, j’espère) le devoir qui m’était imposé vis-à-vis de la société, je vais maintenant, avec votre permission, mon cher monsieur, me retirer pour verser des larmes dans le fond du jardin, comme un faible mortel. »

Tom monta l’escalier ; il enleva les livres qui lui appartenaient, et les empaqueta dans sa malle avec sa musique et une vieille flûte ; il tira ses effets de l’armoire, et ils n’étaient pas assez nombreux pour qu’il en eût la migraine ; il les plaça par-dessus ses livres ; puis il alla dans la salle de travail chercher sa boîte à instruments. Là, il y avait un tabouret dont le fond en loques laissait sortir le crin comme une perruque ; un tabouret qui ne valait pas un penny. Mais c’était sur ce meuble que Tom s’était assis chaque jour, d’année en année, durant tout le temps de son service. Tous deux avaient vieilli et s’étaient