Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il s’arrêta pour regarder autour de lui, hésitant sur le choix de la hutte à laquelle il frapperait.

« Je ne sais pas trop où m’adresser, se dit-il ; voilà la vérité. Ces cabanes ont toutes l’extérieur aussi séduisant l’une que l’autre, et au-dedans elles sont sans doute aussi commodes ; je suis sûr qu’il n’y manque rien de ce que pourrait désirer un alligator dans l’état de pure nature. Voyons ! Le citoyen que j’ai rencontré hier au soir demeure sous l’eau, dans ce chenil à droite. Il est inutile que je le dérange, s’il est possible, ce pauvre homme ; car il n’est pas gai à voir : c’est un colon dans toutes les règles. Voilà bien une maison qui possède une fenêtre, mais je crains que ses habitants ne soient fiers. Je ne sais pas si une porte ne sera point non plus trop aristocratique ; mais va pour la première ! »

Il se dirigea vers la hutte la plus proche et frappa avec sa main. On l’invita à entrer ; il entra.

« Voisin, dit Mark, car je suis votre voisin, bien que vous ne me connaissiez pas, je viens vous demander quelque chose. Holà ! holà ! Je suis sans doute au lit… Je fais un rêve ! … »

Il poussa cette exclamation en entendant prononcer son nom et en se sentant saisi aux pans de son habit par deux petits garçons dont il avait souvent lavé le visage et fait cuire le souper, à bord de ce noble paquebot, si bon marcheur, appelé le Screw.

« Mes yeux se trompent ! dit Mark. Je ne puis les croire. Ça ne peut pas être ma chère amie qui fit le passage avec moi et qui est là à allaiter sa petite fille, qui me paraît, j’ai le regret de le dire, un peu délicate ; ça ne peut pas être non plus son mari qui vint la chercher à New-York. Et ceux-ci, ajouta-t-il en jetant un regard sur les enfants, ne sont pas les deux jeunes fripons que je connaissais si bien, quoiqu’ils leur ressemblent extraordinairement, il faut que je l’avoue. »

La femme se mit à pleurer, dans la joie qu’elle avait de revoir Mark ; l’homme lui secoua les mains, qu’il ne voulait plus lâcher ; les deux garçons se pendirent à ses jambes ; la petite fille malade, dans les bras de sa mère, tendit ses petits doigts brûlants et murmura du fond de sa gorge rauque et desséchée le nom de Mark, qu’elle se rappelait bien.

C’était certainement la même famille, dont l’air salubre d’Éden avait altéré naturellement la constitution ; mais c’était la même famille.

« Voilà, dit Martin reprenant haleine, une nouvelle espèce