Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/122

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notre fortune et de nous retirer ensuite pour vivre de nos rentes aussitôt que nous aurons réalisé. Mais comment allez-vous tous ? Vous avez une fameuse mine !

– Nous sommes encore languissants, dit la pauvre femme se penchant par-dessus son enfant ; mais nous irons mieux quand nous serons acclimatés à ce pays.

– Il y en a ici, pensa Mark, qui s’acclimateront auparavant avec l’éternité. »

Ce qui ne l’empêcha pas de leur répondre gaiement : « Comment, si vous irez mieux ! Certainement vous irez mieux, et nous aussi. Il s’agit maintenant de ne pas nous laisser abattre et de vivre en bons voisins. Nous finirons par nous tirer de là, n’ayez pas peur. Ceci me rappelle, par parenthèse, que mon compagnon est tout malade en ce moment, et que je suis entré ici pour vous demander votre assistance. Je vous serais obligé de venir le voir et de me donner votre opinion sur lui, mon ami. »

Il eût fallu que Mark Tapley adressât à ces braves gens une prière bien déraisonnable pour que, reconnaissants comme ils l’étaient envers lui pour ses bons soins à bord du vaisseau, ils ne s’empressassent point d’y déférer. L’homme se leva pour l’accompagner sans perdre une minute. Avant de s’éloigner, Mark prit dans ses bras l’enfant malade et essaya de consoler sa mère ; mais il vit bien que le doigt de la Mort était là.

Ils trouvèrent Martin dans la maison ; il était couché sur le sol et enveloppé de sa couverture. Selon toute apparence, il était très-malade ; il tremblait et frissonnait affreusement, non pas comme les gens qui ont froid, mais avec une sorte de spasme convulsif qui tordait tout son corps. L’ami de Mark déclara que c’était une fièvre d’un caractère grave, accompagnée de tremblement intermittent, maladie très-commune dans ce pays ; et il prédit que cela empirerait le lendemain et bien des jours encore après. Lui-même, dit-il, il l’avait eue par accès pendant deux ans ou à peu près ; mais, grâce à Dieu, il s’en était tiré la vie sauve, tandis qu’autour de lui il y en avait beaucoup qui avaient succombé.

« La vie sauve ! Une pauvre vie à ce qu’il me semble ! pensa Mark regardant à la dérobée le visage décharné de son ami. Vive Éden ! »

Ils possédaient quelques remèdes dans leur coffre ; le voisin, grâce à la triste expérience qu’il avait acquise, enseigna à Mark quand et comment il devait les administrer, et de quelle