Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/123

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façon il pourrait le mieux possible soulager les souffrances de Martin. Là ne s’arrêtèrent pas ses attentions ; en effet, il allait et venait sans cesse, et rendait à Mark toute sorte de services dans les tentatives énergiques que faisait ce dernier pour améliorer un peu leur situation. Cependant il ne pouvait leur donner grande consolation ni grande espérance pour l’avenir. La saison était mauvaise ; le pays un tombeau. L’enfant du colon mourut cette nuit même ; et Mark, sans en rien dire à Martin, aida le lendemain à enterrer la petite fille au pied d’un arbre.

Outre les soins nombreux et divers qu’il avait à donner à Martin qui, à mesure que son état empirait, devenait de plus en plus exigeant, Mark travaillait au dehors, de grand matin et jusqu’à une heure avancée ; avec l’assistance de son ami et d’autres voisins, il s’exerçait à tirer parti du terrain de la concession. Non qu’il eût au cœur la moindre fibre d’espoir ni dans l’esprit aucun but déterminé ; c’était seulement pour satisfaire l’ardeur habituelle de son humeur et la puissance surnaturelle qu’il possédait sur lui-même : car intérieurement il croyait leur position désespérée et, comme il disait, « ça marchait ferme. »

« Pour ce qui est de ça, ça marche aussi ferme qu’on peut le désirer, disait-il en confidence à Martin dans un moment de loisir, c’est-à-dire un soir qu’il lavait le linge de la maison, après une rude journée ; je ne peux pas en disconvenir. C’est une chance comme je n’en retrouverai jamais, à ce que je vois !

– Est-ce que vous n’êtes pas encore content ? répliqua Martin avec un grognement, le nez fourré sous sa couverture.

– Mais, monsieur, dit Mark, ça pouvait être bien plus fort encore, sans le guignon qui s’acharne toujours après moi pour me donner des crocs-en-jambe. La nuit où nous sommes arrivés ici, je trouvais que la chose prenait une jolie tournure. Ça, je l’avoue ; une jolie petite tournure.

– C’est pourtant bien joli comme ça ! dit Martin avec humeur.

– Ah ! dit Mark ; ah ! c’est sûr ; voilà la question. Le premier matin où je suis sorti, qu’est-il arrivé ? C’est que je suis tombé sur une famille que je connaissais et qui, depuis ce moment jusqu’à présent, n’a cessé de nous aider de toutes façons. Ça n’est pas juste, vous comprenez ; ce n’est pas ce