Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/155

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ce discours, qui leur donnera une idée exacte de mes opinions, afin que dans l’avenir ils ne viennent pas plaider l’ignorance. Pourtant n’allez pas vous compromettre pour moi, monsieur !

– Il n’y a pas le moindre danger, je vous assure, » dit Martin.

En parlant ainsi, il mit les pamphlets dans sa poche, et M. Pogram s’éclipsa.

M. Bevan, en répondant à Martin, l’avait averti qu’à une certaine époque (qui heureusement se trouvait être d’accord avec le retour des colons) il se trouverait en ville à un hôtel qu’il désignait, et qu’il les y attendrait avec impatience. Ils s’y rendirent sans perdre une minute et eurent la satisfaction non-seulement de l’y rencontrer, mais encore d’être accueillis par cet excellent ami avec la chaleur d’âme et la cordialité qui lui étaient particulières.

« Je suis vraiment fâché et honteux de vous avoir demandé assistance, dit Martin. Mais veuillez nous regarder. Voyez en quel état nous sommes, et jugez à quelles extrémités nous sommes réduits !

– Loin de me plaindre que vous m’ayez mis à même de vous rendre service, répliqua M. Bevan, je me reproche d’avoir été involontairement la cause première de vos malheurs. Après tout ce qu’on vous avait dit pour vous dissuader d’aller à Éden, je vous croyais guéri de l’idée que la fortune y fût si facile à faire, et je n’aurais pas cru que vous fussiez plus tenté que moi de faire ce voyage.

– Le fait est, dit Martin, que je me suis jeté dans cette affaire en véritable étourdi, et moins on en dira à ce sujet, mieux cela vaudra. Mark que voici n’avait pas voix au chapitre.

– Fort bien. Mais n’a-t-il pas eu voix après à quelque autre chapitre ? répliqua M. Bevan, riant de façon à faire comprendre qu’il connaissait bien Mark, et Martin aussi.

– Pas une voix très-influente, malheureusement, dit Martin en rougissant. Mais si l’on dit qu’il faut vivre pour apprendre, monsieur Bevan, il est bien plus juste de dire encore qu’il faut manquer de mourir pour apprendre, et ça n’est pas long.

– Maintenant, dit M. Bevan, voyons vos plans. Vous projetez de retourner tout de suite dans votre pays ?

– Oh ! oui, répondit vivement Martin, qui devint tout pâle à l’idée que son désir pourrait rencontrer une objection. C’est aussi votre opinion, j’espère ?