Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/16

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M. Bailey s’informa si les Ailes de l’Amour avait jamais gagné un prix aux courses, ou pouvait prêter à un pari raisonnable à l’occasion ; et en apprenant que ce n’était pas un cheval, mais simplement une expression poétique ou figurée, il laissa percer un profond dédain. Mme Gamp était tellement étonnée de ses manières élégantes et de sa parfaite aisance, qu’elle allait communiquer à voix basse à son propriétaire la question énigmatique pour elle de savoir si M. Bailey était un homme ou un enfant, quand M. Sweedlepipe, devinant sa pensée, la prévint à temps et lui dit :

« Il connaît mistress Chuzzlewit.

– Il n’y a rien qu’il ne connaisse, dit Mme Gamp ; je le parierais. Toute la malice du monde est dans son petit doigt. »

M. Bailey reçut cela comme un compliment et répondit en ajustant sa cravate :

« Je ne dis pas non.

– Puisque vous connaissez mistress Chuzzlewit, fit observer Mme Gamp, p’t-être bien savez-vous son nom de baptême ?

– Charity ! dit Bailey.

– Ça n’est pas ça ! s’écria Mme Gamp.

– Cherry alors, dit Belley. Cherry est l’abréviation de son nom, mais cela revient au même.

– Ça ne commence pas du tout par un C, répliqua Mme Gamp en secouant la tête. Ça commence par une M.

– Eh ! quoi ! cria M. Bailey, faisant voler d’un coup de son pied gauche sur le parquet un petit nuage de poussière, alors il a donc été épouser Merry ! »

Comme ces mots offraient quelque mystère, Mme Gamp l’invita à les expliquer ; ce que M. Bailey se mit en devoir de faire, et la dame l’écoutait avec la plus profonde attention. Il était au beau milieu de son récit, quand un bruit de roues et deux coups sonores appliqués à la porte de la rue annoncèrent l’arrivée du nouveau couple. Priant M. Bailey de réserver ce qu’il avait encore à dire pour le moment où elle s’en reviendrait chez elle, Mme Gamp prit la chandelle et s’élança pour recevoir avec force compliments la jeune maîtresse de céans.

« Je vous souhaite de grand cœur toute félicité et toute joie, dit Mme Gamp, qui fit un beau salut quand les deux époux entrèrent dans la maison ; et à vous aussi, monsieur. Votre chère jolie dame paraît un peu fatiguée du voyage, M. Chuzzlewit.