Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/17

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- C’est de m’avoir embêté tout le temps, dit M. Jonas d’un ton d’humeur. Alors, éclairez-nous !

– Par ici, madame, s’il vous plaît, dit Mme Gamp, montant devant eux. On a tout arrangé du mieux possible ; mais il y a bien des choses que vous aurez à changer, quand vous aurez eu le temps de vous reconnaître. Ah ! quelle charmante personne ! … Mais, ajouta intérieurement Mme Gamp, vous n’avez pas l’air d’être aussi gaie que votre mari, il faut l’avouer. »

C’était la vérité ; la jeune épouse ne paraissait pas gaie du tout. La mort, qui était entrée dans la maison avant l’époque du mariage, y avait laissé son ombre. L’air était lourd et malsain ; les chambres étaient sombres ; d’épaisses ténèbres remplissaient chaque crevasse et chaque coin. Dans l’angle du foyer était assis, tel qu’un être de mauvais augure, le vieux commis, les yeux fixés sur quelques sarments desséchés qui se consumaient dans le poêle. Il se leva et regarda la nouvelle débarquée.

« Ainsi, monsieur Chuff, dit négligemment Jonas, tout en époussetant ses bottes, vous voilà encore dans le monde des vivants ? …

– Oui, monsieur, il est encore dans le monde des vivants, répliqua M. Gamp, et M. Chuffey peut bien vous en rendre grâce, comme je le lui ai répété mille et mille fois. »

M. Jonas n’était pas de très-bonne humeur ; car il se borna à dire, en tournant ses yeux autour de lui :

« Nous n’avons plus besoin de vos services, vous savez, mistress Gamp.

– Je pars immédiatement, monsieur, répondit la garde-malade, à moins qu’il n’y ait quelque chose que je puisse faire pour vous, madame. »

Elle ajouta, avec un regard d’excessive douceur et sans cesser de fouiller dans sa poche :

« N’y a-t-il rien que je puisse faire pour vous, mon petit colibri ?

– Non, dit Merry toute en larmes, vous ferez mieux de partir tout de suite. »

Avec une œillade mélangée de sensibilité et de malice ; avec un œil braqué sur le marié et l’autre sur l’épouse ; avec une expression fine, tant spirituelle que spiritueuse, tout à fait conforme à sa profession et particulière à son art, mistress Gamp fouilla plus activement que jamais dans sa poche, d’où