Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/171

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chariots vides emportés par des chevaux effarouchés, qu’on ramène à coups de fouet au bord du petit cours d’eau, maîtrisés à grand’peine par leurs conducteurs qui cherchent à les retenir près de la barrière à claire-voie, jusqu’à ce que la diligence ait passé l’étroit tournant de la route. Yoho ! rasons l’église ensevelie dans un coin paisible et entourée de son cimetière rustique où les tombes sont verdoyantes et où les pâquerettes dorment (car c’est le soir) sur le sein des morts. Yoho ! arrière les ruisseaux où les bestiaux rafraîchissent leurs pieds et où poussent les joncs et les roseaux ; arrière les clôtures des parcs de chasse, les fermes et les basses-cours ; les meules de foin de l’an dernier, tranchées couches par couches et apparaissant, au déclin du jour, telles que des pignons ruinés, vieux et noircis. Yoho ! hardi dans le sable et les cailloux de la joyeuse cascatelle qui coupe la route, et houp là un petit temps de galop jusqu’à ce que nous ayons rattrapé le niveau du chemin ! Yoho ! Yoho !

Eh bien ! la malle était-elle au poteau lorsque la diligence y arriva ?

La malle ! Vous voulez demander si mistress Lupin n’y était pas elle-même en personne ? Oui-da qu’elle était venue, et magnifiquement, comme il sied à une hôtesse, dans sa propre carriole, assise sur une chaise d’acajou, conduisant de ses propres mains son cheval Dragon, pas ailé comme celui de l’enseigne, et tout cela de l’air le plus aimable du monde. Et la diligence, l’avez-vous vue s’arrêter près de mistress Lupin, frôlant sa roue, que même le conducteur, en aidant le valet d’auberge à monter la malle, a fait retentir les joyeux échos de son bugle à piston jusqu’aux cheminées lointaines de la maison de Pecksniff, comme si la diligence célébrait à sa manière la glorieuse délivrance de Tom Pinch ?

« C’est bien aimable ! dit Tom, se penchant pour prendre les mains de mistress Lupin. Je suis bien fâché de vous avoir donné cette peine.

– Cette peine, monsieur Pinch ! … s’écria l’hôtesse du Dragon.

– Au fait, je sais que c’est un plaisir pour vous, dit Tom, lui pressant cordialement la main. Y a-t-il du nouveau ? »

L’hôtesse secoua la tête.

« Dites-lui que vous m’avez vu, reprit Tom ; dites-lui que j’étais ferme et gai, et pas découragé le moins du monde ; dites-lui que je la prie d’en faire autant, car il est certain que tout finira bien. Adieu !