Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/173

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Ici il aperçut l’œil du cocher. En effet, le cocher clignait de l’œil.

« Une femme fièrement jolie pour son âge ! dit le cocher.

– Je suis de votre avis, répondit Tom. Le fait est qu’elle est bien.

– Plus jolie que bien des femmes qui sont plus jeunes, répéta Tom, qui n’était pas pour le contredire.

– Pour ma part, je n’aime pas quand elles sont trop jeunes, » dit le cocher.

C’était affaire de goût ; Tom ne se crut pas autorisé à discuter sur ce sujet.

« Vous trouverez rarement, par exemple, dit le cocher, qu’elles aient des opinions bien raisonnées sur le rafraîchissement, quand elles sont trop jeunes. Il faut qu’une femme soit arrivée à l’âge mûr avant qu’elle ait la précaution de venir munie d’un panier comme celui-ci.

– Peut-être voudriez-vous savoir ce qu’il contient ? » dit Tom en souriant.

Le cocher se mit à rire ; Tom, qui partageait sa curiosité, vida le panier en ayant soin de poser un à un sur le marchepied les divers articles : à savoir, un poulet froid rôti, des tranches de jambon, un pain croustillant, un morceau de fromage, des biscuits à la cuiller, une demi-douzaine de pommes, un couteau, du beurre, du sel et une bouteille de vieux xérès. Il y avait à côté une lettre que Tom mit dans sa poche.

Le cocher montra tant d’ardeur à approuver les soins prévoyants de mistress Lupin, et tant de chaleur à féliciter Tom sur sa bonne fortune, que Tom jugea nécessaire d’expliquer, pour l’honneur de la dame, que c’était un panier purement platonique, un cadeau de bonne amitié. Quand il eut fait cette déclaration avec une gravité parfaite (car il lui semblait qu’il était de son devoir d’éloigner de l’esprit de ce mécréant toute pensée peu convenable sur ce sujet), il lui annonça qu’il serait heureux de partager ce présent avec lui, et lui proposa d’attaquer le panier dans un esprit de bonne confraternité, à telle heure de la nuit qui semblerait au cocher la plus convenable pour cette expédition, d’après son expérience et sa connaissance de la route. À partir de ce moment, ils causèrent avec tant d’intimité que, quoique Tom ne se connût pas plus en chevaux qu’en licornes, le cocher informa son ami le