Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conducteur, au bout du relais, que, tout original que paraissait le voyageur du siège, il en valait bien un autre pour la conversation, et qu’il serait bien à désirer qu’il y en eût toujours là de pareils.

Yoho ! à travers les ombres qui s’épaississent, le long des arbres ténébreux qui projettent leurs formes sur la route, la diligence poursuit sa route. Elle se moque bien qu’il fasse jour ou nuit : les feux de Londres, qui brillent à cinquante milles, suffisent bien, et au delà, pour éclairer ce voyage. Yoho ! devant le mail du village, où les joueurs de crosse se sont attardés, et où la moindre échancrure faite dans le frais gazon par le bâton ou les barres, par la balle ou le pied des joueurs, parfume la nuit d’une douce senteur. En avant ! avec quatre chevaux frais du Cerf-Chauve, l’auberge du relais où, devant la porte, se groupent les buveurs ébahis, tandis que le précédent attelage, avec ses traits qui pendent sur son dos, se dirigerait de lui-même vers la mare, s’il n’y avait pas là une douzaine de gosiers pour l’effrayer de leurs cris, et une armée de gamins pour s’élancer en volontaires à la poursuite des chevaux vagabonds. Maintenant, les nouveaux venus piaffent, frappent le pavé de leurs sabots, en font jaillir une gerbe d’étincelles ; en avant ! sur le vieux pont de pierre, puis encore dans l’ombre de la route, et puis à travers la porte du péage qui s’ouvre, et bien loin, bien loin, dans la campagne, yoho !

Yoho ! … Eh ! par derrière, faites taire un moment votre bugle, voulez-vous ! Avancez en rampant le long de l’impériale, conducteur, et venez prendre votre part du contenu de ce panier ! Non que, pour cela, nous ralentissions notre marche ; nous stimulerons plutôt l’ardeur de nos pur-sang, pour la plus grande gloire de notre régalade. Ah ! il y a longtemps que semblable bouteille de vieux vin ne s’est trouvée en contact avec la brise suave de la nuit, soyez-en sûr, et c’est une fameuse aubaine pour humecter le sifflet d’un joueur de bugle à piston. Essayez seulement. N’ayez pas peur de lever le coude. Bill, un autre coup ! Maintenant aspirez ferme et soufflez dans votre cornet, Bill ; en voilà, de la musique ! en voilà un creux !

Entendez-vous l’écho par delà les collines,
Bien loin ! bien loin ! …

dit la chanson. Yoho ! La jument écossaise est toute guillerette, ce soir. Yoho ! yoho !