Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/180

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— Voyons. En premier lieu, vous désirerez voir ce matin votre sœur, et naturellement vous aimerez mieux y aller seul. Je ferai une partie du chemin avec vous ; j’irai ensuite m’occuper d’une petite affaire, et nous nous retrouverons ici cette après-midi. Mettez ceci dans votre poche, Tom. C’est la clef de la porte. Vous en aurez besoin si vous arrivez le premier.

– Mais réellement, dit Tom, s’établir ainsi chez un ami…

– Comment ! interrompit John Westlock ; il y a deux clefs. Je ne sais pas, je présume, ouvrir la porte avec deux clefs à la fois ? Quel garçon absurde vous faites, Tom ! … Vous ne désirez pas quelque chose de particulier pour votre dîner ?

– Oh ! mon Dieu non, dit Tom.

– Très-bien ; en ce cas, laissez-moi faire. Voulez-vous un verre de cerises à l’eau-de-vie ?

– Pas une goutte ! Quel appartement confortable vous avez là ! … Il n’y manque rien.

– Dieu vous bénisse ! Tom ; il n’y a là qu’un mobilier de garçon, un ménage improvisé pour un Philippe Quarl ou un Robinson Crusoé ; voilà tout. Eh bien ! voyons, partons-nous ?

– Volontiers, s’écria Tom ; dès qu’il vous plaira. »

En conséquence, John Westlock retira de ses bottes les petits pains égarés, se chaussa, fit sa toilette, après avoir donné à Tom le journal à lire pendant ce temps. Lorsqu’il reparut, tout équipé pour sortir, il trouva Tom le journal à la main et plongé dans une profonde méditation.

« Vous rêvez, Tom ?

– Non, dit M. Pinch, non. Je regardais la page d’annonces, espérant qu’elle pourrait contenir quelque avis qui me fût utile. Mais ce qu’il y a de singulier, et ce n’est pas d’aujourd’hui que j’en ai fait la remarque, c’est que personne n’y trouve jamais ce qui lui convient. Je vois là toute sorte de maîtres qui ont besoin de toute sorte de domestiques, et toute sorte de domestiques qui ont besoin de toute sorte de maîtres, et jamais ils ne semblent se rencontrer. Voici un gentleman tenant un bureau d’affaires et qui, par suite d’embarras momentanés, a besoin d’emprunter cinq cents livres sterling ; or, juste à l’alinéa suivant se trouve un autre gentleman qui a précisément la même somme à prêter. Mais vous verrez, John, que celui-ci ne prêtera point la somme à l’autre. Voici une dame possédant une modeste indépendance et qui a besoin de trouver la nourriture et le logement dans une famille paisible et affectueuse ; et voici une