Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/185

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— Miss Pinch a un frère, je le sais, fit observer la dame.

– Miss Pinch est toujours à me parler de son frère quand elle ne devrait s’occuper que de mon éducation, dit l’élève en sanglotant.

– Sophie ! retenez votre langue ! » dit le gentleman. Et, s’adressant à Tom : « Asseyez-vous, s’il vous plaît. »

Tom s’assit, promenant son regard avec une muette surprise de l’un à l’autre de ces visages.

« Restez ici, s’il vous plaît, miss Pinch, poursuivit le gentleman, » jetant légèrement un coup d’œil par-dessus son épaule.

Tom l’interrompit ici en se levant pour aller chercher une chaise à sa sœur. Cela fait, il s’assit de nouveau.

« Je me félicite, reprit le fondeur de métaux, de ce que vous vous êtes avisé de venir aujourd’hui voir votre sœur : car, bien que par principe je n’approuve pas qu’une jeune personne engagée dans ma famille en qualité de gouvernante reçoive des visites, la vôtre en cette occasion se trouve arriver fort à propos. Je regrette d’avoir à vous informer que nous ne sommes pas du tout satisfaits de votre sœur.

– Nous en sommes très-mécontents, ajouta la dame.

– Je ne réciterai plus une leçon à miss Pinch, quand on devrait me battre jusqu’au sang, dit l’élève en sanglotant.

– Sophie ! lui cria son père, retenez votre langue !

– Voulez-vous me permettre, dit Tom, de vous demander quels sont vos motifs de mécontentement ?

– Oui, dit le gentleman. Je le veux bien. Je ne vous reconnais pas le droit de me faire cette question, mais je veux bien y répondre. Votre sœur ne possède pas la moindre disposition pour commander le respect. Ç’a été la source constante de contestations entre nous. Bien qu’elle soit dans cette famille depuis un certain temps, et bien que la jeune personne ici présente ait, pour ainsi dire, grandi sous sa direction, cette jeune personne n’a point de respect pour elle. Miss Pinch n’a jamais su commander le respect à ma fille ni gagner sa confiance. Maintenant, dit le gentleman, laissant sa main tomber gravement à plat sur la table, je maintiens qu’il y a là quelque chose de radicalement mauvais ! Vous, en votre qualité de frère, vous pouvez être disposé à le nier…

– Pardon, monsieur, dit Tom, je ne suis nullement disposé à le nier. Je suis certain qu’il y a là quelque chose de radicalement mauvais, de radicalement monstrueux.