Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/187

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— Monsieur ! s’écria Tom, après l’avoir contemplé quelque temps en silence ; si vous ne comprenez pas ma pensée, je vous la formulerai. Si vous la comprenez, je vous prie de ne pas répéter l’expression dont vous vous êtes servi pour y répondre. Voici ma pensée : c’est qu’aucun homme ne saurait s’attendre à voir ses enfants respecter ce qu’il dégrade lui-même.

– Ah ! ah ! ah ! fit le gentleman avec un éclat de rire, voilà bien leur jargon habituel ! Connu ! connu !

– Ce n’est pas du jargon, monsieur ! c’est tout simple et tout naturel. Votre gouvernante ne saurait gagner le respect et la confiance de vos enfants, sans votre aide ! Qu’elle commence par posséder votre confiance et votre respect, et alors vous verrez ce qui arrivera.

– Miss Pinch est allée mettre son chapeau, je pense, ma chère ? dit le gentleman.

– Je vous en réponds, dit Tom, prévenant la réponse. Je n’en fais aucun doute. En attendant, je m’adresse personnellement à vous, monsieur. Vous m’avez exposé votre plainte, monsieur ; vous m’avez appelé pour l’entendre, et j’ai droit d’y répondre. Je ne suis ni bruyant ni turbulent (et c’était bien la vérité), quoique je ne puisse en dire autant de vous, après la façon dont vous m’avez parlé. Je désire, dans l’intérêt de ma sœur, rétablir la simple vérité.

– Vous pouvez établir ce qu’il vous plaira, jeune homme, répondit le gentleman, affectant de bâiller. Ma chère, comptez l’argent qui revient à miss Pinch.

– Quand vous me dites, reprit Tom, qui bouillait d’indignation, tout en gardant un extérieur calme, quand vous me dites que ma sœur n’a pas le don inné de commander le respect à vos enfants, je dois vous répondre, moi, que cela n’est pas, et qu’elle le possède, au contraire. Elle est aussi bien élevée, aussi instruite, aussi bien douée par la nature pour commander le respect, qu’aucun de ceux qui payent une gouvernante et que vous pouvez connaître. Mais quand vous la tenez dans une position inférieure à celle de vos domestiques, devez-vous supposer, pour peu que vous ayez de sens commun, qu’elle n’est pas vis-à-vis de vos filles dans une position dix fois pire ?

– Très-bien ! Sur ma parole, s’écria le gentleman, c’est parfaitement bien !

– C’est très-mal, monsieur, dit Tom. C’est très-mal, c’est misérable, c’est injuste, c’est cruel. Du respect ! Je