Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/188

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sais que la jeunesse, dans la vivacité de ses impressions, est toujours prête à observer et à imiter ; or, comment respecterait-elle quelqu’un que personne ne respecte et qu’au contraire tout le monde traite légèrement ? Comment voulez-vous qu’elle s’intéresse à des études dont elle voit le triste fruit dans la situation méprisable qu’elles ont faite à la gouvernante ? Du respect ! Prenez tout ce qu’il y a de plus respectable et placez-le devant vos filles dans le rang où vous mettez la gouvernante, et vous leur ferez fouler aux pieds quoi que ce puisse être !

– Vous parlez avec une impertinence excessive, jeune homme, dit le gentleman.

– Je parle sans passion, mais avec une excessive indignation et avec le mépris que je ressens pour un pareil traitement comme pour ceux qui le pratiquent. Comment pouvez-vous témoigner du déplaisir ou de la surprise, en votre qualité d’honnête homme, pour avoir entendu votre fille dire à ma sœur qu’elle est humble et misérable, lorsque sans cesse vous dites devant votre fille la même chose de cinquante manières différentes, mais qui toutes n’en sont pas moins claires en d’autres mots ; et aussi lorsque votre portier et jusqu’à votre valet de chambre ont le soin délicat d’annoncer la même chose à tout venant ! Quant au soupçon, à la méfiance que vous exprimez sur sa véracité, vous n’avez pas le droit de l’employer chez vous pour lui faire subir un pareil traitement.

– Pas le droit ! s’écria le fondeur de métaux.

– Assurément non. Si vous vous imaginez que le payement d’une somme annuelle d’argent vous donne ce droit, vous vous en exagérez immensément le pouvoir et la valeur. Votre argent est, en pareil cas, la moindre partie de l’affaire. Vous pouvez être ponctuel à lui payer ses gages à la minute, et cependant faire banqueroute à son honneur. Je n’ai rien de plus à vous dire, ajouta Tom, le visage en feu maintenant qu’il avait laissé déborder son indignation ; il ne me reste plus qu’à solliciter de vous la permission d’attendre dans votre jardin que ma sœur soit prête. »

Et sans attendre la permission Tom sortit.

Avant qu’il eût commencé à se calmer, sa sœur vint le rejoindre. Elle pleurait ; Tom ne put supporter que les gens de la maison vissent sa sœur verser des larmes.

« Ils penseraient que vous regrettez de vous en aller, dit Tom. Vous ne regrettez pas de vous en aller, n’est-ce pas ?