Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/196

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déjà tout ce qu’il y a d’odieux dans la trahison et l’imposture, je l’eusse appris peut-être à la vue du succès qu’elles ont pu obtenir auprès de… qu’elles ont pu obtenir… »

Ici elle sourit comme tout à l’heure et ajouta : « Mais je ne veux rien dire. Au contraire, je méprise cela. Vous devriez bien entrer ! »

Il y avait dans toutes ces demi-confidences un mystère qui piquait la curiosité de Tom et troublait ce cœur plein de tendresse. Dans un moment d’irrésolution, il regarda Charity, et ne put s’empêcher de remarquer sur son visage une lutte entre deux sentiments, l’un de triomphe et l’autre de honte, et vit bien que même en rencontrant ses yeux, dont elle ne se souciait guère, elle détournait les siens avec une sorte de sombre défi dans ses manières.

Une idée vague traversa le cerveau de Tom : c’était le pressentiment voilé encore, que le changement de ses relations avec Pecksniff produirait peut-être chez lui un changement dans sa manière de voir à l’égard des autres, et lui ouvrirait l’esprit sur bien des choses dont il ne s’était pas même douté auparavant. Et pourtant, il n’avait pas encore de jugement arrêté sur la conduite de Charity. Il était loin de s’imaginer que c’était parce qu’il avait été témoin des mortifications de cette demoiselle, qu’elle saisissait avec plus d’ardeur la première occasion de se servir de la présence de leur ancien commensal pour humilier sa sœur, plongée maintenant dans un malheur bien plus cruel que le chagrin qu’elle avait eu à subir elle-même : car il ne savait rien de ce qui était arrivé, et se représentait toujours Mercy comme une créature étourdie, inconsidérée, vulgaire, continuant de professer pour lui ce même dédain qu’elle n’avait jamais pris la peine de cacher le moins du monde. En résumé, il avait seulement l’impression confuse que miss Pecksniff n’était pas la meilleure du monde ; et, étant curieux de tirer cela au clair, il accompagna Charity, comme elle le désirait.

Quand on eut ouvert la porte de la maison, Charity passa devant Tom, l’invitant à la suivre, et elle le mena ainsi jusqu’à la porte du parloir.

« Oh ! Mercy, dit-elle en jetant un regard dans cette pièce, je suis bien aise que vous ne soyez pas encore retournée chez vous. Qui pensez-vous que j’aie rencontré dans la rue et que je vous amène ? M. Pinch ! Qu’en dites-vous ? N’êtes-vous pas bien surprise ? »