Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/198

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— « Oh ! monsieur Pinch ! dit-elle, je sais bien que jamais vous n’avez eu à vous louer de moi ; mais je vous croyais plus indulgent. Je ne pensais pas que vous fussiez si cruel. »

La manière dont elle parlait en ce moment ressemblait aussi peu à celle d’autrefois que Tom pouvait le souhaiter. Mais Mercy semblait lui adresser un reproche, et il ne le comprenait pas.

« Je l’ai rarement témoigné, continua-t-elle ; jamais même, je l’avoue. Mais j’avais pour vous tant d’estime, que, si j’avais été invitée à nommer la personne du monde la moins capable de me blesser, je vous eusse nommé de confiance.

– Vous m’eussiez nommé !

– Oui, dit-elle avec énergie, et je l’ai souvent pensé. »

Après un moment de réflexion, Tom prit une chaise et s’assit à côté de Mercy.

« Croyez-vous, dit-il, oh ! pouvez-vous croire que ce que je viens de dire, je l’aie dit autrement que dans le sens sincère et droit qu’avaient ostensiblement mes paroles et que l’esprit n’en soit pas conforme à la lettre ? Si jamais je vous ai offensée, pardonnez-le-moi ; cela peut m’être arrivé quelquefois. Quant à vous, jamais vous n’avez eu de tort avec moi, jamais vous ne m’avez offensé. Comment alors eussé-je pu songer à prendre une revanche, quand bien même je serais assez dur, assez méchant pour en avoir l’envie ? »

Au bout de quelques temps, Mercy la remercia à travers ses larmes et ses sanglots, et elle lui dit que jamais, depuis le jour où elle avait quitté la maison paternelle, elle n’avait été à la fois aussi triste et aussi consolée. Elle pleura encore amèrement ; et ce qui faisait le plus de peine à Tom, en la voyant pleurer, c’était surtout de penser que ce caractère naturellement enjoué avait tant besoin, maintenant, de sympathie et de tendresse.

« Allons, allons ! dit Tom. Vous aviez l’habitude d’être gaie tout le long du jour.

– Ah ! l’habitude ! … s’écria-t-elle d’un ton qui déchira le cœur de Tom.

– Et vous le serez encore, dit-il.

– Non, jamais. Non, jamais, plus jamais. S’il vous arrivait un jour de causer avec le vieux M. Chuzzlewit, ajouta-t-elle en regardant vivement Tom en face (j’ai pensé quelquefois qu’il vous aimait, mais qu’il ne voulait pas le laisser paraître), voulez-vous me promettre de lui dire de ma part que vous