Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/221

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le pouding pouvait se passer de tout autre assaisonnement pour le recommander au goût de tout homme raisonnable en ce monde.

« Où donc est le pouding ? dit Tom, qui était en humeur de plaisanter.

– Où il est ? répondit-elle, et elle le souleva de ses deux mains ; regardez-le !

– C’est ça un pouding ? dit Tom.

– Ce sera un pouding, quand la croûte de dessus y sera, grand nigaud, » répliqua sa sœur.

Comme Tom persistait toujours à paraître incrédule, elle lui donna une petite tape sur la tête avec le rouleau à pâte ; puis, riant toujours de bon cœur, elle se remit à la fabrication de la croûte de dessus. Tout à coup elle tressaillit et devint très-rouge. Tom tressaillit aussi : car, en suivant la direction des yeux de Ruth, il avait aperçu John Westlock.

« Mon Dieu ! John ! comment donc êtes-vous entré ?

– Je vous demande pardon, dit John ; je demande surtout pardon à votre sœur ; mais j’ai rencontré, à la porte de la maison, une vieille dame, qui m’a dit d’entrer ici ; comme vous ne m’avez pas entendu frapper, et que la porte était ouverte, je me suis hasardé à suivre son conseil. Je ne sais trop, ajouta John, pourquoi il y aurait ici quelqu’un de déconcerté de ce que je suis venu comme un fâcheux vous surprendre au milieu d’un ouvrage domestique fort agréable et fort adroitement exécuté. Mais je dois vous avouer que je suis fort intimidé de ce contre-temps. Tom, ayez l’obligeance de venir à mon secours !

– Monsieur John Westlock, dit Tom, ma sœur.

– J’espère, dit John en riant, qu’étant la sœur d’un aussi ancien ami, vous serez assez bonne pour ne pas permettre que mon entrée malheureuse me fasse tort dans votre première impression.

– Ma sœur est disposée peut-être à vous adresser la même prière, » dit Tom.

Naturellement, John dut répondre que c’était parfaitement inutile, et qu’au contraire il était resté frappé d’une admiration silencieuse ; il tendit la main à miss Pinch ; mais celle-ci ne put lui offrir la sienne, couverte qu’elle était de farine et de pâte. Cette circonstance, au lieu d’accroître la confusion générale et d’empirer l’état des choses, comme on aurait pu s’y attendre, eut au contraire le meilleur résultat du monde, car