Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/222

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ni l’un ni l’autre ne purent s’empêcher de rire. Aussi, dès cet instant, ils se sentirent mutuellement à l’aise.

« Je suis charmé de vous voir, dit Tom ; asseyez-vous.

– Je ne m’assiérai qu’à une condition, répondit son ami ; c’est que votre sœur continuera de faire son pouding comme si vous étiez seuls.

– Je suis sûr qu’elle y consentira, dit Tom ; à une autre condition, cependant : c’est que vous nous aiderez à le manger. »

Pauvre petite Ruth ! Elle fut saisie de palpitations de cœur quand Tom commit cette effroyable imprudence : car elle sentait que, si son pouding était manqué, elle n’oserait plus jamais regarder John Westlock en face. Ne se doutant en rien de ce qui se passait dans l’esprit de Ruth, John accepta de grand cœur l’invitation qui lui était faite, et, après quelques plaisanteries au sujet du pouding et du plaisir extraordinaire que John semblait se promettre à en prendre sa part, Ruth se remit à l’œuvre en rougissant, et John s’assit.

« Je suis venu de bien meilleure heure que je n’en avais l’intention, Tom ; mais je vais vous dire ce qui m’amène, et je crois pouvoir répondre que vous serez content. Est-ce que vous vouliez me faire voir ce que vous tenez là ?

– Oh ! mon Dieu, non ! s’écria Tom, qui ne pensait déjà plus au gribouillage qu’il tenait à la main, si la question de son ami n’était venue le lui rappeler. « Un jeune homme recommandable, âgé de trente-cinq ans. » C’est le commencement d’une description de moi-même. Voilà tout.

– Je ne crois pas que vous ayez besoin de la finir, Tom. Mais comment se fait-il que vous ne m’ayez jamais dit que vous aviez des amis à Londres ? »

Tom regarda sa sœur de toutes ses forces, et sa sœur de le regarder aussi de toutes ses forces.

« Des amis à Londres ! répéta Tom.

– Eh bien, oui ! dit Westlock.

– Avez-vous des amis à Londres, ma chère Ruth ? demanda Tom.

– Non, Tom.

– Je suis charmé d’apprendre que j’en ai, moi, dit Tom ; mais c’est du nouveau. Je n’en savais rien. Ce sont des gens qui savent joliment garder un secret, John.

– Vous en jugerez vous-même, reprit l’autre. Plaisanterie à part, Tom, voici ce qui s’est passé. J’étais assis ce matin à déjeuner, quand on frappa à ma porte.