Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/230

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et s’arrêta dans une cour plus silencieuse et plus sombre que les autres. Il entra dans une maison, monta un escalier commun, et tira, en cheminant, de sa poche un trousseau de clefs rouillées. Il s’arrêta à l’un des étages supérieurs devant une porte qui, à l’endroit où se trouve d’habitude le nom du locataire, n’avait qu’une grande traînée de peinture jaune, et se mit à frapper une de ces clefs contre la rampe en fer de l’escalier pour en faire tomber la poussière.

« Vous ferez bien d’avoir une petite cheville, dit-il en se retournant vers Tom après avoir sifflé dans le tuyau de la clef. C’est le seul moyen d’empêcher les clefs de se boucher. Si vous mettiez aussi un peu d’huile dans la serrure, elle n’en irait que mieux, je crois. »

Tom le remercia ; mais il était trop préoccupé et de ses conjectures et de la physionomie de John Westlock, pour être très-disposé à la conversation. Cependant M. Fips avait ouvert la porte, qui céda difficilement, en criant sur ses gonds d’une manière horriblement discordante. Il retira la clef et la remit à Tom.

« Ah ! ah ! dit Fips, il y a de la poussière ici, pas mal. »

Il n’en manquait pas en effet, et M. Fips aurait même pu dire hardiment qu’il y en avait beaucoup. Elle s’était accumulée partout. Il y en avait sur tous les objets ; et, dans un endroit où un rayon de soleil brillait à travers une crevasse du volet pour aller se réverbérer sur la muraille en face, la poussière tourbillonnait comme une gigantesque cage à écureuil.

La poussière était la seule chose dans l’appartement qui eût du mouvement. Quand leur guide ouvrit la fenêtre et laissa pénétrer librement l’air et le soleil d’été, les meubles vermoulus, les boiseries et les plafonds décolorés, le poêle rouillé et le foyer éteint, apparurent dans tout leur inerte abandon. Tout près de la porte il y avait un chandelier surmonté d’un éteignoir ; on eût dit que celui qui avait le dernier visité ces lieux s’était arrêté sur le seuil pour jeter un regard d’adieu à la solitude qu’il laissait derrière lui, et puis en avait complètement banni la lumière et la vie, en fermant la porte de ce tombeau.

À cet étage, il y avait deux pièces ; dans la première se trouvait un escalier étroit, conduisant à deux chambres à coucher situées au-dessus. Toutes ces pièces étaient convenablement meublées, bien que le mobilier fût d’ancienne mode,