Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/232

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livres, et en regardant son ami stupéfait. Ainsi, vous voilà installé… d’une façon un peu originale, Tom ! »

Tout cela était bien singulier, et Tom, debout au milieu des livres, tenant son chapeau d’une main et la clef de l’autre, avait l’air si prodigieusement ébahi, que son ami fut saisi d’un fou rire. Tom lui-même, réfléchissant à la manière soudaine dont sa conférence amicale avec M. Fips avait été interrompue au plus beau moment, se laissa peu à peu gagner par l’hilarité de John ; et chacun d’eux faisant rire l’autre de plus en plus, ils finirent par se tordre.

Quand ils eurent cessé de rire (ce qui n’arriva pas de si tôt, car une fois que John, bon garçon, d’humeur joyeuse, se mettait en train, il n’y avait plus moyen de l’arrêter), quand ils eurent cessé de rire, il se mirent à examiner ce qui les entourait, dans l’espérance d’y trouver quelque lumière sur cette mystérieuse affaire ; mais ils ne purent rien découvrir. Les livres portaient une variété de noms différents ; on les avait sans doute achetés çà et là, dans des ventes, à différentes époques ; mais il était impossible de deviner lequel de ces noms appartenait au patron de Tom, en admettant même que l’un d’eux fût le sien. John eut la lumineuse idée d’aller demander au gardien de la maison à qui avait été loué cet appartement. Il revint sans être plus avancé : on venait de lui répondre par le nom de M. Fips, de Austin Friars.

« Après tout, Tom, je commence à croire que ce n’est pas plus malin que ça : Fips est un original ; il connaît Pecksniff, il le méprise, cela va sans dire ; il aura entendu parler de vous, il sait que vous êtes l’homme qu’il lui faut, et il vous prend à son service de la façon excentrique qui lui est particulière.

– Mais pourquoi a-t-il des façons si excentriques ? demanda Tom.

– Oh ! est-ce qu’on n’a pas le droit d’être excentrique, par hasard ? Pourquoi M. Fips porte-t-il une culotte courte et de la poudre, tandis que son voisin porte des bottes et une perruque ? »

Tom était dans cet état de perplexité où l’esprit accepte volontiers une explication quelconque ; il adopta donc celle-ci, qui après tout en valait une autre, et il dit à John : « Je ne doute pas que vous n’ayez raison. » Il en avait dit autant à chaque conjecture de son ami, et il était tout prêt à répéter sa phrase d’assentiment, si John lui avait présenté quelque nouvelle solution.