Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/249

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genre sont toujours charmantes et récréatives, je le sais, quoique je n’aie pas le bonheur d’être marié ; c’est là la grande infortune de mon existence) : mais la ruche, mon cher ami, la ruche ! … Voulez-vous me présenter ?

– C’est M. Montague, dit Jonas ; et ces mots paraissaient le suffoquer.

– Le plus malheureux et le plus repentant des hommes, mistress Chuzzlewit, d’avoir gâté votre excursion, poursuivit M. Montague ; mais, comme je le disais tout à l’heure à notre ami, c’est la ruche, la ruche. Vous projetez un petit voyage sur le continent, mon cher ami, cela va sans dire ? »

Jonas garda un silence obstiné.

« Que je meure si je ne suis désolé ! s’écria Montague ; sur mon âme, je suis vraiment désolé. Mais notre maudite ruche de la Cité doit passer avant toute autre considération quand il y a du miel à faire, et c’est là ma meilleure excuse. Il y a là à ma droite une vieille femme très-singulière qui nous fait des révérences, dit M. Montague en interrompant tout à coup son discours et regardant mistress Gamp ; je ne sais qui elle est. Quelqu’un la connaît-il ici ?

– Ah ! oui, ils me connaissent bien ; que le bon Dieu les bénisse ! dit mistress Gamp ; sans vous oublier, monsieur, vous êtes si gai ; et puissiez-vous l’être longtemps ! Je souhaiterais que tout le monde (elle prononça ces paroles comme une formule de toast ou de compliment) fût aussi gai et aussi beau que l’est, à ce que m’a dit un petit oiseau, un certain monsieur que je ne nommerai pas, de crainte de le blesser sans le vouloir. Ma chère dame (ici elle s’arrêta tout court dans son batifolage ; car jusqu’à présent elle avait affecté le ton de l’enjouement), comme vous voilà pâle !

– Quoi ! vous aussi, vous êtes ici ! grommela Jonas. Pardieu ! en voilà plus qu’il n’en faut.

– J’espère, monsieur, répondit mistress Gamp avec une révérence indignée, que cela ne fait de mal à personne, que moi et mistress Harris nous nous promenions sur un quai public. Ce sont là ses propres paroles (je l’atteste, quand même ce seraient les dernières que je dusse prononcer). « Sarah, qu’elle dit, est-ce un quai public ? – Mistress Harris, que je réponds, en pouvez-vous douter ? – Voici trente-huit ans que vous me connaissez maintenant, madame, et m’avez-vous jamais vue aller ou désirer d’aller là où l’on n’était pas content de me voir ? dites-moi un peu. – Non, Sarah, dit mistress Harris,