Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/253

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saient pas plus que la sombre contraction de son front. Mais il était tout à fait maître de lui maintenant, comme le sont souvent, dans les cas désespérés, certains hommes qui pourtant ne sont rien moins que braves ; et, quand la voiture s’arrêta, sans attendre d’invitation il sauta hardiment, et monta l’escalier.

Le président le suivit ; il ferma la porte de la salle des assemblées aussitôt qu’ils furent entrés, et il se jeta sur un canapé. Jonas, debout près de la fenêtre, appuyé contre la vitre et la tête reposant sur ses deux bras, regardait dans la rue.

« Ce n’est pas gentil, Chuzzlewit ! dit enfin Montague. Ce n’est pas gentil, sur mon âme.

– Que vouliez-vous que je fisse, répondit Jonas en se retournant brusquement ; qu’attendez-vous de moi ?

– De la confiance, mon bon ami. Un peu de confiance, dit Montague d’un ton de reproche.

– Pardieu ! avec ça que vous m’en montrez beaucoup de confiance, à moi, n’est-ce pas ? repartit Jonas.

– Est-ce que je ne vous en montre pas, voyons ? » dit l’autre, et il leva la tête pour le regarder. Mais Jonas s’était détourné de nouveau. « Voyons ! ne vous ai-je pas confié les faciles projets que j’avais formés pour notre avantage ? notre avantage, notez bien ; non pas le mien seulement. Et comment y répondez-vous ? En essayant de fuir !

– Qu’en savez-vous ? Qui vous a dit que je voulusse fuir ?

– Qui me l’a dit ? Allons, allons ! Un bâtiment étranger, mon ami, une heure si matinale, un costume qui vous rendait méconnaissable ! Qui me l’a dit ? Si vous ne vouliez pas me jouer un tour, qu’est-ce que vous faisiez là ? Pourquoi êtes-vous revenu ?

– Je suis revenu pour prévenir un esclandre, dit Jonas.

– Vous avez agi sagement, » répondit son ami.

Jonas resta silencieux ; la tête appuyée sur ses bras, il regardait toujours dans la rue.

« Maintenant, Chuzzlewit, dit Montague, malgré ce qui s’est passé, je veux vous parler à cœur ouvert. Faites-vous attention à ce que je vous dis ? Je ne vois que votre dos.

– Oui, oui, je vous entends. Allez toujours !

– Je dis donc que, malgré ce qui s’est passé, je veux vous parler à cœur ouvert.

– Vous m’avez déjà dit cela, et je vous ai déjà fait observer que j’avais entendu. Continuez.