Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/254

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— Vous avez de l’humeur, mais je comprends cela ; et heureusement que moi j’ai le caractère bien fait. À présent, voyons quel est l’état des choses. Il y a quelques jours, je vous ai fait part d’une découverte que j’avais faite…

– Voulez-vous vous taire ! dit Jonas, qui se retourna furieux et jeta un regard vers la porte.

– Bien ! bien ! dit Montague. Vous avez raison. C’est de la prudence. Mes découvertes, si je les publiais, seraient comme celles de bien d’autres honnêtes gens dans ce monde ; je ne pourrais plus en tirer parti. Vous voyez, Chuzzlewit, à quel point je suis franc et ingénu, de vous faire connaître ainsi le côté faible de ma position ! Pour revenir à notre sujet, j’ai fait ou cru bien faire une certaine découverte, et à la première occasion je vous en fais part tout bas, dans cet esprit de confiance mutuelle que je croyais sincèrement voir régner entre nous. Dans cette découverte il y a peut-être quelque chose de vrai, peut-être n’y a-t-il rien. J’ai mon opinion à cet égard ; vous avez la vôtre. Nous ne discuterons pas. Mais, mon bon ami, vous avez eu une faiblesse ; ce que je veux vous faire comprendre, c’est que vous avez eu une faiblesse. Il est possible que je désire faire tourner ce petit incident à mon profit (en effet, je le désire, je ne le nie pas) ; mais mon profit n’exige pas que je mette les faits en évidence pour m’en servir contre vous.

– Qu’entendez-vous par « vous en servir contre moi ? » demanda Jonas, qui n’avait pas encore changé d’attitude.

– Oh ! dit Montague en riant, la question n’est pas là.

– Vous en servir pour ma ruine ? Est-ce là ce que vous voulez dire ?

– Non.

– Pardieu ! grommela Jonas avec amertume. C’est là qu’est réellement votre profit. Vous dites la vérité pour cette fois.

– Je désire sans doute que vous risquiez quelque chose de plus dans notre affaire (les risques ne sont pas grands, car c’est une affaire sûre) et que vous restiez tranquille, dit Montague. Vous me l’avez promis, il faut tenir parole. Je vous le dis franchement, Chuzzlewit, IL LE FAUT. Raisonnez vous-même. Si vous refusez, mon secret n’a plus de valeur pour moi, et par conséquent autant vaut qu’il devienne la propriété de tout le monde ; cela vaudrait même mieux, car je pourrai du moins me faire un mérite de l’avoir mis à jour.