Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/259

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« Non, mais je crois que ce doit être ma manière ; car on m’en a déjà fait l’observation. »

M. Montague écoutait, ou, pour parler avec plus d’élégance, entendait à la volée de dialogue. Aussitôt que Jonas fut parti, il fit signe à Nadgett, du bout de sa plume, de venir lui parler, et lui dit à l’oreille :

« Qui donc lui a donné ma lettre, ce matin ?

– Mon locataire, monsieur, dit Nadgett parlant derrière sa main.

– Comment cela ?

– Je l’ai trouvé sur le quai, monsieur. Le temps pressait, vous n’étiez pas encore arrivé, il était nécessaire de faire quelque chose. Heureusement, l’idée m’est venue que, si je lui remettais la lettre moi-même, je ne pourrais plus être utile à rien. J’aurais été flambé complètement.

– Monsieur Nadgett, vous êtes un bijou, dit Montague en lui tapant sur le dos. Quel est le nom de votre locataire ?

– Pinch, M. Thomas Pinch. »

Montague réfléchit un moment, puis il dit :

« Savez-vous s’il ne vient pas de la province ?

– Il m’a dit, monsieur, qu’il venait du Wiltshire. »

Ils se séparèrent sans échanger une parole de plus. À voir M. Nadgett saluer Montague la première fois qu’ils se rencontrèrent ensuite, et Montague lui rendre son salut, on eût juré que jamais de la vie ils ne s’étaient parlé en confidence.

Cependant M. Jonas et le docteur s’étaient installés, à leur aise, devant une bouteille de madère vieux et une assiettée de sandwiches : car le docteur, ayant été invité à dîner en bas à six heures, ne voulait faire qu’une collation légère.

« C’est préférable, disait-il, à deux points de vue : premièrement, comme hygiène ; secondement, comme préparation à bien dîner. Et dans notre intérêt à tous, monsieur Chuzzlewit, vous devez être bien soigneux de votre estomac, dit le docteur en faisant claquer ses lèvres après un verre de vin ; car, soyez-en sûr, mon cher monsieur, il en vaut la peine. Il doit être en parfait état, monsieur, je suis sûr que c’est un chronomètre. S’il en était autrement, vous ne seriez pas de si belle humeur. « Le seigneur de votre cœur est assis à l’aise sur son trône, » monsieur Chuzzlewit, comme dit Chose dans la pièce. Par parenthèse, je voudrais bien qu’il le dît dans une pièce où il eût au moins la complaisance de rendre justice à notre profession, au lieu de fourrer dans ce drame-là, monsieur, quelque chose