Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/285

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contre vous. Ne faites rien en secret qu’il puisse rapporter avant que vous vous présentiez. Ne voyez même pas miss Mary demain matin ; mais que cette chère amie que voilà (et M. Tapley adressa un sourire à l’hôtesse) la prépare à ce qui va se passer et lui porte quelque petit message qui puisse lui être agréable. Elle sait comment s’y prendre, n’est-ce pas ? (Mme Lupin rit et hocha la tête.) Alors vous entrez hardiment et le front levé, comme doit le faire un gentleman qui peut se dire : « Je n’ai rien fait en dessous main ; je n’ai pas erré comme un espion autour de cette demeure ; me voici, pardonnez-moi : je viens vous demander pardon ; que Dieu vous bénisse ! »

Martin sourit, mais il sentit néanmoins que c’était un bon conseil, et il résolut de le suivre. Quand ils se furent assurés, auprès de Mme Lupin, que Pecksniff était déjà de retour de la grande cérémonie où ils l’avaient contemplé dans sa gloire, et quand ils eurent concerté leurs démarches, ils allèrent se coucher, tout préoccupés du lendemain.

Conformément à ce qu’ils avaient arrêté lors de cette délibération, M. Tapley sortit le lendemain matin, après le déjeuner, porteur d’une lettre de Martin à son grand-père, dans laquelle il lui demandait quelques minutes d’entretien. Puis, se dérobant en route, jusqu’à une meilleure occasion, aux félicitations de ses nombreux amis, il arriva bientôt devant la maison de M. Pecksniff. Une fois à la porte, avec un visage si impassible que le plus habile physionomiste n’eût pu deviner à quoi il pensait, ni même s’il pensait à quelque chose, il frappa tout de suite.

M. Tapley était trop bon observateur pour ne pas s’apercevoir bien vite que M. Pecksniff aplatissait considérablement le bout de son nez contre la fenêtre du salon, dans une tentative angulaire pour voir qui est-ce qui venait frapper à sa porte. Prompt à déjouer ce mouvement de l’ennemi, il se percha sur la marche la plus élevée du perron et présenta le derrière de son chapeau dans cette direction. Mais peut-être M. Pecksniff l’avait-il déjà reconnu, car Mark entendit bientôt craquer ses souliers, comme il s’approchait pour ouvrir la porte de ses propres mains.

M. Pecksniff était aussi gai que jamais, et chantait un petit refrain dans le corridor.

« Comment vous portez-vous, monsieur ? dit Mark.

– Ah ! s’écria M. Pecksniff. C’est Tapley, je crois. L’enfant