Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/294

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— Vous n’avez rien de plus à dire ? » demanda le vieillard en posant sa main avec une ardeur inusitée sur le bras de M. Pecksniff.

M. Pecksniff refusa de dire ce qu’il avait sur les lèvres : « Car les reproches, dit-il, sont superflus.

– Vous n’avez pas à revenir là-dessus ? Vous en êtes sûr ? Si vous avez quelque chose à dire, quoi que ce soit, dites-le franchement, je ferai tout ce que vous me demanderez, » dit le vieillard.

À cette preuve de confiance illimitée de la part de son ami, les larmes jaillirent avec tant d’abondance des yeux de M. Pecksniff, qu’il fut obligé de se saisir convulsivement le nez pour pouvoir se calmer. Quand il fut en état d’articuler, il dit, avec une vive émotion, qu’il espérait vivre assez longtemps pour mériter tant de confiance ; et il ajouta qu’il n’avait pas d’autre observation à faire.

Le vieillard le regarda pendant quelques moments avec cette expression vide et immobile, qu’il n’est pas rare d’observer sur le visage de ceux dont les facultés sont affaiblies par l’âge. Cependant il se leva, avec tout cela, assez vivement et se dirigea d’un pas ferme vers la porte, d’où Mark se retira pour lui faire passage.

L’obséquieux M. Pecksniff offrit son bras. Le vieillard le prit. Arrivé à la porte, il se retourna, et dit à Martin en agitant sa main :

« Vous l’avez entendu ? Partez ! Tout est fini maintenant. Allez ! »

En se retirant, M. Pecksniff murmura au vieillard quelques expressions de sympathie et d’encouragement. Martin, s’éveillant de la stupeur où l’avait plongé la dernière partie de cette scène, et s’apercevant de l’occasion qui lui était fournie par leur départ, saisit dans ses bras la cause innocente de tous ses malheurs, et la pressa contre son cœur.

« Chère enfant ! dit Martin. Il ne vous a pas changée, vous. Le gredin a perdu avec vous son temps et sa peine.

– Comme vous vous êtes contenu noblement ! J’admire votre courage et votre patience.

– Je me suis contenu, moi ! s’écria gaiement Martin. Vous étiez là, vous n’étiez pas changée, et je le savais ! Que pouvais-je désirer de plus ? Ma présence causait déjà tant d’amertume à ce drôle, que c’était pour moi un triomphe rien que de le forcer à le supporter. Mais dites-moi, ma bien-aimée (car le peu