Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/314

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nous la prendrons entre nous, et nous ferons route ensemble. J’ai quelque chose de curieux à vous raconter. Nous ne pouvions nous rencontrer plus à propos. »

Le jet d’eau sautait et dansait gaiement, et gaiement les fossettes souriaient en s’étendant de plus en plus jusqu’à la margelle du bassin, où elles se brisèrent en un éclat de rire et s’évanouirent.

« Tom, dit Westlock au moment où ils entraient dans la rue bruyante, j’ai une proposition à vous faire. Je voudrais que vous et votre sœur (si elle veut faire cet honneur à mon pauvre ménage de garçon), vous me fissiez un grand plaisir, c’est de venir dîner chez moi.

– Comment, aujourd’hui ? s’écria Tom.

– Oui, aujourd’hui. Vous savez que c’est tout près. Je vous en prie, miss Pinch, insistez avec moi. Ce sera très-désintéressé de votre part, car je n’ai rien à vous donner.

– Oh ! il ne faut pas le croire, Ruth, dit Tom. Ce gaillard-là tient son ménage sur un pied extraordinaire pour un garçon. Il aurait dû être lord-maire. Eh bien ! qu’en dites-vous ? faut-il y aller ?

– Si cela vous fait plaisir, Tom, répondit sa petite sœur bien soumise.

– Mais je veux dire, fit Tom, en la regardant avec un sourire d’admiration, n’y a-t-il pas quelque chose qui manque à votre toilette, et dont vous ne puissiez vous passer ? Je vous assure que je n’en sais rien, John ; je ne sais même pas si elle pourrait ôter son chapeau. »

Jugez si ces scrupules de Tom prêtaient à rire, et s’ils fournirent à John l’occasion d’adresser à Ruth plusieurs compliments ; pas des compliments si vous voulez, du moins il soutint que ce n’étaient pas des compliments (vraiment il avait raison), mais de bonnes, simples et naïves vérités, que personne n’aurait pu nier. Ruth riait aussi de bon cœur, et patati et patata, mais elle ne fit pas d’objection ; de sorte que l’invitation de John fut acceptée.

« Si je l’avais su un peu plus tôt, dit John, je vous aurais fait manger un autre pouding de bifteck. Pas pour faire concurrence au vôtre ; mais au contraire pour mieux faire valoir sa supériorité. Pour rien au monde je n’y aurais laissé mettre de graisse de bœuf.

– Pourquoi non ? demanda Tom.

– Parce que ce fameux livre de cuisine recommande la