Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/318

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— Soyez assuré qu’il le connaissait. Il n’y a aucun doute à cet égard, interrompit John.

– Vous croyez ?

– J’en suis sûr.

– Bon ! dit Tom. Mon propriétaire entre et sort d’une manière étrangement mystérieuse ; mais je tâcherai de l’attraper demain matin au passage, et j’aurai avec lui une explication pour m’avoir donné à exécuter une commission aussi désagréable. Et je pensais, John, que si j’allais demain matin chez mistress… Chose… dans la Cité… où j’étais avant, vous savez… mistress Todgers, j’y rencontrerais peut-être la pauvre Merry Pecksniff, et je pourrais lui expliquer comment je me suis trouvé mêlé à cette affaire.

– Vous avez parfaitement raison, Tom, répondit son ami après un court moment de réflexion. Vous ne pouvez rien faire de mieux. Il me paraît parfaitement évident que, quelle que soit cette affaire, il n’y a pas grand’chose de bon là-dessous ; et il est tellement à désirer que vous vous en dégagiez complètement, que je vous conseillerais de voir le mari de Merry, si vous le pouvez, afin de lui exposer clairement les faits, et de vous en laver les mains. J’ai le pressentiment qu’il y a quelque chose d’odieux sous jeu, Tom. Je vous dirai pourquoi une autre fois, quand je me serai moi-même procuré deux ou trois renseignements. »

Tom Pinch trouva ceci très-mystérieux ; mais sachant qu’il pouvait compter sur son ami, il résolut de suivre son conseil.

Ah ! combien il eût été charmant de pouvoir se procurer l’anneau magique qui vous rend invisible, pour surveiller la petite Ruth, lorsqu’elle se trouva seule dans une des chambres chez John Westlock, pendant que John et son frère savouraient leur vin ! D’abord elle essaya doucement d’entamer une conversation avec la matrone à la figure empourprée et au chapeau déformé, qui l’attendait pour la servir ; cette dernière avait fait un effort désespéré pour remédier au désordre de sa toilette, et elle avait revêtu une robe de cotonnade déteinte à bouquets jaunes sur un fond de même couleur, ce qui la faisait ressembler à une mosaïque de coquilles de beurre. La matrone au visage empourpré repoussa les aimables avances de Ruth avec la mine sévère et farouche d’un dragon ; elle se méfiait de ces avances d’une puissance hostile et dangereuse, qui n’avait que faire de venir là, si ce n’était pour lui en-