Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/341

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bruit dans la maison et qu’on ne m’éveille pas. Faites attention, ne m’éveillez pas. Que personne ne m’éveille, qu’on me laisse dormir.

– Ce sera fait, dit-elle. Est-ce tout ?

– Quoi ! allez-vous m’espionner et me questionner maintenant ? dit-il avec emportement. Qu’avez-vous besoin de rien savoir de plus ?

– Je n’ai besoin de savoir, Jonas, que ce que vous me direz. Tout espoir de confiance entre nous m’a, depuis longtemps, abandonnée.

– Pardieu ! j’aime à le croire, grommela-t-il.

– Mais si vous voulez me dire ce que vous désirez, je vous obéirai, et je chercherai à vous contenter. Je ne m’en attribue aucun mérite, car je ne trouve pas d’amis dans mon père ou ma sœur, et je suis toute seule. Je suis très-humble et très-soumise. Vous m’avez dit autrefois que vous briseriez ma jeunesse, et vous avez tenu parole. Ne brisez pas mon cœur aussi ! »

En disant ces mots, elle se hasarda à poser la main sur l’épaule de Jonas. Il la laissa s’appuyer ainsi et savoura son triomphe. Toute l’âme vile, abjecte, sordide, méprisable de cet homme, la regarda pendant un moment, à travers ses méchants yeux.

Pendant un moment seulement : car, revenant soudain à sa secrète préoccupation, il lui commanda, d’un ton grossier, de faire voir son obéissance en exécutant ses ordres sur-le-champ. Lorsqu’elle se fut retirée, il arpenta plusieurs fois la chambre ; sa main droite était fermée, comme s’il y tenait quelque chose ; pourtant elle était vide. Quand il fut fatigué de cet exercice, il se jeta sur une chaise et retroussa, d’un air pensif, sa manche droite, moins pour examiner son bras, à ce qu’il semblait, que pour en considérer et en apprécier la force ; mais il tenait toujours la main fermée.

Il rêvait ainsi, les yeux fixés à terre, quand mistress Gamp entra pour lui dire que la petite chambre était prête. N’étant pas très-rassurée sur l’accueil qui l’attendait après son intervention dans la querelle, mistress Gamp, dans l’espoir d’intéresser et d’adoucir son patron, affecta une vive sollicitude à l’égard de M. Chuffey.

« Comment va-t-il maintenant, monsieur ? dit-elle.

– Qui donc ? s’écria Jonas, qui leva la tête et regarda la garde avec étonnement.