Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/356

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homme-là vivant, et avait cherché à lui inspirer une pensée du ciel, la nuit précédente ! Toujours le soleil ?

Mais le voici rentré dans les rues de Londres. Chut !

Il n’était que cinq heures du matin. Jonas avait assez de temps devant lui pour gagner sa maison sans être aperçu avant que les rues s’emplissent de monde, s’il ne s’était rien passé depuis son départ qui fît découvrir sa ruse. Il se glissa du haut de la diligence sans inviter le conducteur à arrêter ses chevaux ; puis s’élançant d’un pas rapide à travers les rues détournées qui se trouvaient sur son chemin, il approcha enfin de sa maison. Quand il en fut tout près, il redoubla de précaution, s’arrêtant d’abord pour mesurer du regard l’étendue de la rue qui s’ouvrait devant lui, puis il s’y faufila vivement et s’arrêta au bout pour examiner l’autre de même ; et ainsi de suite.

Le passage était désert quand le visage de l’assassin y apparut.

Jonas s’approcha de la porte sur la pointe du pied, comme s’il craignait de troubler son propre sommeil, son rêve imaginaire.

Il écouta. Pas de bruit. Tandis qu’il tournait la clef d’une main tremblante et poussait avec son genou la porte ouverte doucement, une crainte monstrueuse assiégea son esprit.

Si l’homme assassiné allait se trouver là devant lui !

Il promena de tout côté un regard tremblant ; mais il n’y avait rien.

Il entra, ferma la porte à double tour, trempa la clef dans les cendres humides du foyer pour la ternir de nouveau et la pendit à son clou d’autrefois. Il se dépouilla de son déguisement, le roula de manière à en faire un paquet facile à porter, afin de l’aller jeter la nuit même dans le fleuve, et le fourra dans une armoire. Ces précautions prises, il se déshabilla et se mit au lit.

La soif le brûlait, un feu intérieur le consumait, tandis qu’il était étendu entre ses draps. L’horreur de la chambre qui allait croissant lorsque Jonas se fut caché sous les couvertures, le supplice d’être toujours aux aguets au moindre bruit, de se l’exagérer et d’y voir le prélude du coup qu’on allait frapper à la porte pour annoncer la nouvelle de l’attentat ; les bonds qu’il faisait pour s’élancer de son lit et pour aller se regarder au miroir, où il s’imaginait voir son crime écrit en grandes lettres sur son visage ; puis, quand il se recouchait et s’ensevelissait de nouveau sous les couvertures, son cœur qui lui