Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/363

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combien notre cœur est pénétré, vous en feriez quelque cas, j’en suis sûr. »

Et s’ils avaient su ce que Tom éprouvait (mais nulle créature humaine ne pouvait le savoir), ils eussent fait assurément aussi quelque cas de lui.

Tom changea le sujet de la conversation. Il regrettait de ne pouvoir la poursuivre, puisqu’elle était agréable à Martin ; mais pour le moment, il en était incapable. Il n’y avait dans son âme aucune teinte d’envie, aucun sentiment d’amertume ; mais il ne pouvait entendre de sang-froid prononcer le nom de Mary.

Il demanda à Martin quels étaient ses projets.

« Ce n’est plus, mon cher Tom, de faire votre fortune, dit Martin, c’est tout simplement d’essayer de vivre. J’ai déjà tenté cette œuvre à Londres, et j’y ai échoué. Si vous voulez bien me prêter l’appui de vos bons avis, de vos conseils d’ami, je réussirai mieux sous votre inspiration. Je suis résolu à faire tout, tout au monde, pour gagner ma vie par mes propres efforts. Mes espérances ne s’élèvent pas plus haut, quant à présent. »

Noble Tom ! cœur généreux ! Dans son regret de trouver si abaissé l’orgueil de son ancien camarade et de l’entendre parler si humblement, il céda tout d’abord à l’impuissance où il était de contenir son émotion profonde, et s’écria d’un ton chaleureux :

« Vos espérances ne s’élèvent pas plus haut ! Oh, que si ! Comment pouvez-vous parler ainsi ? Elles s’élèvent jusqu’au temps où vous serez heureux avec elle, Martin ; jusqu’au temps où vous serez à même de la réclamer, Martin ; jusqu’au temps où vous ne pourrez plus même croire, par souvenir, que vous ayez jamais été découragé comme je vous vois, Martin. Mes avis, mes conseils d’ami ! Oui, sans doute. Mais vous trouverez ailleurs des avis et des conseils meilleurs que les miens, bien qu’il ne puisse y en avoir de plus dévoués. Vous n’avez qu’à consulter John Westlock. Allons tout de suite le voir. Il est encore de si bonne heure, que j’aurai le temps de vous conduire chez lui avant de me rendre à ma besogne ; son logis est sur ma route ; je pourrai vous laisser avec lui pour que vous causiez tous deux de vos affaires. Ainsi partons, partons. Je suis maintenant un homme occupé, savez-vous ! ajouta Tom avec son sourire le plus aimable, et je n’ai pas une minute à perdre. Vos espérances ne s’élèvent