Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/364

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pas plus haut ! Je sais bien le contraire. Je vous connais bien, allez. Elles s’élèveront bientôt à perte de vue, Martin, et elles nous laisseront tous bien loin derrière vous.

– C’est que vous ne savez pas, dit Martin, que je suis un peu changé, depuis le temps où vous m’avez connu, Tom.

– Quelle folie ! s’écria ce dernier. Pourquoi seriez-vous changé ? Vous parlez comme si vous étiez un vieillard. A-t-on jamais vu ! Venez chez John Westlock, venez. Partons, Mark Tapley. Je parie que c’est Mark qui vous aura changé, et qu’il ne vous a pas été inutile d’avoir pour compagnon un semblable grognard.

– Il n’y a pas de mérite à être jovial avec vous, monsieur Pinch, dit Mark, contractant son visage en une foule de grimaces joyeuses. Un médecin de village lui-même pourrait être jovial avec vous. Il ne faudrait rien moins que d’aller faire une seconde escapade aux États-Unis, pour avoir du mérite à être jovial après vous avoir revu ! »

Tom se mit à rire, et ayant pris congé de sa sœur, il poussa Mark et Martin dans la rue, et les entraîna chez John Westlock par la voie la plus directe, car l’heure de son bureau allait presque sonner, et Tom était trop fier de son exactitude habituelle pour vouloir y manquer.

John Westlock était chez lui ; mais, chose étrange, il parut embarrassé à la vue de ses visiteurs ; et, quand Tom voulut entrer dans la chambre où son ami déjeunait, celui-ci lui dit qu’il y avait là un étranger. Selon toute apparence, c’était un mystérieux personnage, car tout en parlant John ferma la porte de cette pièce, et laissa ses amis dans la chambre voisine.

Il témoigna cependant beaucoup de plaisir à revoir Mark Tapley, et reçut Martin avec une franche cordialité. Mais Martin sentit qu’il n’inspirait à John Westlock qu’un intérêt ordinaire, et deux ou trois fois il remarqua qu’il regardait Tom Pinch avec une sorte d’embarras, sinon même avec compassion. Il pensa et rougit de penser que la cause de ce mystère lui était connue.

« Je crains que vous ne soyez occupé, dit Martin, quand Tom lui eut annoncé l’objet de leur visite. Si vous voulez me permettre de revenir à l’heure où vous serez libre, j’aurai le plaisir de repasser.

– Je suis occupé, en effet, répondit John, d’un air d’hésitation ; mais le sujet qui m’occupe est, à dire vrai, beaucoup plus de votre ressort que du mien.