Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/366

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— Et quelle est la dame, Mark ?

– La… quoi, monsieur ? dit M. Tapley.

– La dame. Allons donc ! Vous savez bien ce que je veux dire, ajouta Tom en riant ; vous le savez aussi bien que moi ! »

M. Tapley réprima son envie de rire, et répondit avec une de ses grimaces les plus originales :

« Est-ce que vous ne devinez pas, monsieur Pinch ?

– Comment le pourrais-je ? dit Tom. Je ne connais aucun de vos amours, Mark. À l’exception de mistress Lupin, cependant.

– Très-bien, monsieur ! … Et si par hasard c’était elle ! … »

Tom s’arrêta au beau milieu de la rue pour le regarder. Un moment, M. Tapley lui présenta un visage stupide et dénué d’expression, un véritable mur de pignon sans le moindre jour de souffrance. Mais ouvrant successivement ses fenêtres avec une rapidité extraordinaire et les éclairant par une illumination générale, il répéta :

« Eh bien ! mettons pour la commodité du raisonnement que ce soit elle, monsieur ! …

– Ma foi, j’avais pensé que ce parti ne vous convenait nullement ! s’écria Tom.

– Sans doute, monsieur, je ne laissais pas que de le penser moi-même autrefois. Mais je n’en suis plus aussi sûr maintenant. Une aimable et douce créature, monsieur !

– Une aimable et douce créature ? C’est certain. Mais elle a toujours été une aimable et douce créature, n’est-il pas vrai ?

– C’est vrai, dit M. Tapley d’un ton d’assentiment.

– Alors pourquoi ne l’avez-vous pas épousée tout d’abord, Mark, au lieu de vous en aller errer au dehors, de perdre tout ce temps, et de la laisser seule, exposée à ce que d’autres lui fassent la cour ?

– Monsieur, répondit Tapley avec une effusion de confiance illimitée, je vais vous dire comment cela est arrivé. Vous me connaissez, monsieur Pinch ; il n’y a pas un gentleman au monde qui me connaisse mieux que vous. Vous êtes au fait de mon caractère et vous savez mon côté faible. Mon caractère, c’est d’être jovial ; mon faible, c’est de vouloir qu’il y ait du mérite à l’être. Très-bien, monsieur. Dans cette disposition d’esprit, je m’aperçois et je me mets en tête qu’elle me regarde d’un œil… ce qu’on peut appeler un œil favorable, dit M. Tapley, avec une hésitation pleine de modestie.

– Sans doute, répliqua Tom. Nous savions parfaitement cela