Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/368

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bien ensemble, très-bons amis, je puis le dire, le soir où je suis revenu à la maison. Ça va bien, monsieur.

– À merveille ! dit Tom, s’arrêtant à Temple-Gate. Je souhaite de tout mon cœur que vous soyez content, Mark. Je vous reverrai aujourd’hui sans doute. Adieu pour le moment.

– Adieu, monsieur ! adieu, monsieur Pinch, ajouta Mark, en forme de monologue, tout en restant à le regarder s’éloigner. Adieu ! bien que vous soyez l’éteignoir d’une honorable ambition. Vous ne vous en doutez guère, mais c’est vous qui avez été le premier à renverser mes espérances. Pecksniff aurait bâti solidement l’édifice de mes rêves pour toute ma vie, à la bonne heure ; mais votre caractère doux et bon les a jetés à bas comme un château de cartes. Adieu, monsieur Pinch ! »

Tandis que Tom Pinch et Mark échangeaient leurs confidences Martin et John Westlock étaient bien autrement préoccupés. Ils ne furent pas plutôt seuls ensemble que Martin dit, avec un effort qu’il ne put dissimuler :

« Monsieur Westlock, nous ne nous sommes rencontrés qu’une fois dans la vie, mais vous avez longtemps connu Tom, et cela semble établir entre nous une certaine familiarité. Je ne saurais causer librement avec vous sur tout autre sujet, avant de commencer par dégager mon esprit du poids qui l’accable en ce moment. Je vois avec peine que vous vous méfiez de moi et que vous me croyez disposé à railler le désintéressement de Tom, sa nature affectueuse ou telle autre de ses excellentes qualités.

– Mon intention, répliqua John, n’était pas de vous laisser voir ce sentiment, et je regrette extrêmement de l’avoir fait sans le vouloir.

– Mais enfin ce sentiment, dit Martin, c’est bien le vôtre ?

– Vous m’interrogez avec tant de netteté et d’insistance que je dois tout vous avouer : oui, je me suis habitué à vous considérer comme un homme qui, non par légèreté, mais par simple insouciance de caractère, n’apprécie pas suffisamment la nature de Tom et ne le traite pas tout à fait ainsi qu’il mérite d’être traité. Il est beaucoup plus facile de dédaigner Tom Pinch que de savoir le comprendre. »

Ces paroles avaient été prononcées avec modération, mais avec énergie ; car il n’y avait pas de sujet au monde (un seul excepté) que John sentit plus fortement. Il poursuivit ainsi :

« J’ai connu de mieux en mieux Tom Pinch, à mesure que j’ai avancé dans la vie ; et j’ai appris à l’aimer comme un être