Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/369

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qui valait infiniment mieux que moi. Je n’ai pas trouvé, quand nous nous sommes vus la première fois, que vous eussiez l’air de le bien comprendre. Je trouvais même que vous n’aviez pas l’air de vous en soucier beaucoup. Les preuves que vous m’en avez données reposaient, de même que mon observation, sur un très-léger fondement, et j’ose dire qu’elles étaient en elles-mêmes fort innocentes. Cependant elles me firent une impression désagréable, malgré moi ; car je vous prie de croire que je ne les cherchais pas. Vous pourriez me dire à cela, ajouta John avec un sourire et en revenant à son ton habituel, que je ne vous suis pas moins désagréable moi-même ; mais tout ce que je pourrais répondre, c’est que je n’avais pas du tout l’intention d’aborder avec vous ce sujet, si vous ne m’aviez pas mis sur la voie.

– Je l’ai fait, dit Martin, et, bien loin d’avoir aucune plainte à articuler contre vous, j’estime hautement l’amitié que vous portez à Tom et les preuves nombreuses que vous lui en avez données. Pourquoi essayerais-je de vous le cacher ? dit-il, les joues fortement colorées : jamais, à l’époque où j’étais son compagnon, je n’avais compris Tom ni essayé de le comprendre ; et je le regrette franchement aujourd’hui ! »

Cette déclaration était faite si sincèrement, et aussi avec tant de modestie et de dignité, que John ému tendit sa main à Martin comme il ne l’avait pas fait encore. Martin lui présenta la sienne aussi cordialement, et toute contrainte disparut entre les deux jeunes gens.

« Maintenant, dit John, si je viens à lasser votre patience par le récit que je vais vous faire, rappelez-vous que toute histoire a une fin, et que dans la mienne, la fin est le point important. »

Après cet exorde, il rapporta toutes les circonstances qui se rattachaient aux soins qu’il avait fait donner au malade du Bull et à sa longue convalescence ; puis il joignit à ce récit la scène du débarcadère, telle que Tom l’avait racontée. Martin ne fut pas médiocrement étonné quand John arriva à la conclusion : car ces deux histoires ne semblaient pas avoir le moindre rapport entre elles, et elles le laissaient, comme on dit, le bec dans l’eau.

« Si vous voulez bien m’excuser pour un moment, dit John en se levant, je vous prierai, d’ici à une minute, d’entrer dans la pièce voisine. »

Là-dessus, il laissa Martin seul, dans un état de stupéfac-