Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/390

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Je n’irai pas auprès de lui. Nous verrons comment ça marchera sans moi. Je n’aurai rien de commun avec lui.

– Vous n’avez jamais dit une parole plus exacte. Allons, partez ! »

Mme Gamp n’eut point la satisfaction de voir Mme Prig sortir de la chambre, malgré le vif désir qu’elle en avait exprimé : car Mme Prig, dans sa brusque précipitation, s’étant heurtée contre le lit et ayant fait tomber quelques-unes des pommes de bois sculpté, trois ou quatre de ces ornements vinrent cogner si violemment la tête de mistress Gamp, qu’avant qu’elle eût pu se remettre de cette douche de bois, son ex-amie était déjà loin.

Il lui fut donné cependant d’entendre Betsey avec sa voix sonore proclamer dans l’escalier, le long du couloir et jusque dans Kingsgate-Street, ses griefs et sa ferme volonté de n’avoir rien de commun avec M. Chuffey ; elle eut aussi la satisfaction d’apercevoir dans son appartement, au lieu et place de Mme Prig, M. Sweedlepipe et deux gentlemen.

« Dieu me bénisse ! s’écria le petit barbier. Quel grabuge ! Avez-vous fait assez de tapage pour des dames, mistress Gamp ! Ces deux gentlemen que voici ont attendu sur l’escalier, en dehors, presque tout le temps, essayant en vain de se faire entendre de vous au beau milieu de votre charivari ! Mon petit bouvreuil, qui tire lui-même son seau d’eau, en mourra, bien sûr. Dans sa frayeur, il lui a pris une ardeur nerveuse, et il s’est mis à tirer plus d’eau qu’il n’en pourrait boire en l’espace de douze mois. Il aura cru que le feu était à la maison ! »

Cependant Mme Gamp était tombée dans son fauteuil ; et là, joignant les mains et levant au ciel ses yeux inondés de larmes, elle exhala la lamentation suivante :

« Oh ! monsieur Sweedlepipe ! monsieur Westlock aussi, si mes yeux ne m’abusent ; et un ami que je n’ai pas le plaisir de connaître ! Il n’est pas de créature au monde qui puisse savoir ce que j’ai eu à supporter tout ce soir de Betsey Prig ! Bienheureuse encore si elle n’avait outragée que moi dans la boisson, car il me semble bien qu’en entrant, elle sentait furieusement la liqueur, mais je ne pouvais pas le croire, moi qui suis à cent lieues d’en avoir l’habitude (mistress Gamp, par parenthèse, avait très-bien fonctionné, et on en pouvait juger par l’odeur de théière qui parfumait toute la chambre). Mais les agneaux eux-mêmes ne lui pardonneraient pas les paroles