Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/394

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comme pour présider à une naissance. Une fois munie de cet attirail, elle revint à son fauteuil et, s’y asseyant de nouveau, elle déclara qu’elle était tout à fait prête.

« C’est un bonheur, dit-elle, de savoir qu’on peut être utile à une pauvre douce créature. Tout le monde n’en peut pas dire autant. Les tortures que Betsey Prig inflige à ses malades sont effrayantes ! »

En faisant cette remarque elle ferma les yeux, dans la vivacité de sa commisération pour les malades de Betsey, et elle oublia de les rouvrir jusqu’au moment où elle laissa tomber un socque ; son sommeil fut encore troublé par intervalles, comme dans la légende des Dormeurs du moine Bâcon, par la chute de l’autre socque et celle du parapluie ; mais une fois débarrassée de ces ennemis de son repos, elle goûta un sommeil paisible.

Les deux jeunes gens se regardaient l’un l’autre en souriant. Martin faisait tous ses efforts pour ne pas éclater, murmura à l’oreille de John Westlock :

« Quel parti prendrons-nous ?

– De rester ici, » répondit ce dernier.

On entendait Mme Gamp murmurer dans son sommeil : « Mistress Harris ! »

« Tenez ceci pour certain, dit à demi-voix John en attachant un regard prudent sur la garde-malade : c’est qu’il faut absolument que vous questionniez le vieux commis, dussiez-vous vous présenter sous le costume de mistress Harris elle-même. À tout événement, nous savons maintenant ce que nous avons à faire, grâce à cette querelle qui confirme le vieux dicton : « Quand les coquins se disputent, c’est tout profit pour les honnêtes gens. » Jonas Chuzzlewit n’a qu’à bien se tenir, et cette femme peut dormir aussi longtemps qu’il lui plaira. Nous finirons toujours par arriver à notre but. »