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CHAPITRE XXV.
Grande surprise de Tom Pinch. – Confidences échangées entre sa sœur et lui.


Le soir suivant, Tom et sa sœur, assis ensemble et prenant le thé, causaient, avec leur calme accoutumé, d’une foule de choses, mais nullement de l’histoire de Lewsome, ni de rien qui s’y rattachât : car John Westlock (réellement ce John était pour son âge extrêmement réfléchi) avait tout particulièrement recommandé à Tom de ne point parler, jusqu’à nouvel ordre, de cette affaire à sa sœur, de peur qu’elle n’en conçût de l’inquiétude.

« Je ne voudrais pas, mon cher Tom, avait-il dit avec quelque hésitation, voir une ombre se répandre sur son visage heureux, ou savoir qu’une pensée triste pénétrât dans son bon petit cœur ; non, je ne le voudrais pas pour tous les biens et les honneurs de l’univers ! … »

En vérité, John était singulièrement et merveilleusement affectueux. « Il eût été le propre père de Ruth, disait Tom, qu’il ne lui eût pas témoigné un plus profond intérêt. »

Cependant la conversation, bien que très-soutenue entre Tom et sa sœur, était moins vive, moins gaie que d’ordinaire. Tom était bien loin d’en rendre sa sœur responsable ; il aimait mieux croire que c’était lui qui se trouvait plus triste ce jour-là. Et le fait qu’il l’était, car le plus léger nuage qui passait dans le ciel paisible de Ruth jetait son ombre sur Tom.

Or, ce soir-là il y avait un nuage suspendu au-dessus de la petite Ruth. Quand Tom regardait dans une autre direction, les yeux animés de la jeune fille, s’attachant fixement sur son frère, brillaient d’un éclat plus vif encore que de coutume, puis s’obscurcissaient. Quand Tom devenait silencieux et portait sa vue au dehors sur le ciel coloré par l’été, Ruth faisait parfois un mouvement saccadé, comme si elle était au moment de se jeter au cou de son frère ; mais elle se retenait, et, lorsqu’il ramenait son regard vers elle, Ruth lui montrait un visage riant, et lui parlait le plus gaiement du monde. Si elle avait quelque chose à donner à Tom, ou quelque prétexte