Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/406

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quand il entendit retentir le bruit d’un pas dans le couloir d’entrée de la maison.

« Ah ! dit Tom, jetant un regard vers la porte, il n’y a pas longtemps encore cela m’eût causé de la curiosité, et j’eusse attendu avec impatience. Mais c’est bien fini. »

Le pas se fit entendre de nouveau ; on montait l’escalier. Tom compta.

« Trente-six, trente-sept, trente-huit, dit Tom ; maintenant vous allez vous arrêter : personne ne dépasse la trente-huitième marche. »

Celui qui montait s’arrêta en effet, mais seulement pour reprendre haleine ; car le pas recommença à retentir : quarante, quarante-un, quarante-deux, et ainsi de suite.

La porte était ouverte. Comme le pas avançait, Tom tourna de ce côté un regard impatient et curieux. Une figure arrivait sur le palier, et, se présentant au seuil de la porte, s’y arrêtait pour contempler de là Tom Pinch. Celui-ci se dressa sur sa chaise, à demi convaincu qu’il voyait un fantôme.

Le vieux Martin Chuzzlewit ! le même qu’il avait laissé chez M. Pecksniff, faible et caduc !

Le même ! … Oh ! non, ce n’était pas le même homme, car ce vieillard était vigoureux pour son âge, et il s’appuyait sur une canne qu’il tenait d’une main solide, tandis que, par un signe de l’autre main, il invitait Tom à ne pas faire de bruit. Ce visage résolu, cet œil ardent, cette main énergiquement posée sur la canne, cette expression triomphante écrite sur la physionomie du vieillard, tout cela jeta en même temps dans l’âme de Tom une lumière rayonnante qui l’éblouit.

« Vous m’avez longtemps attendu, dit Martin.

– On m’avait annoncé que mon patron arriverait bientôt, dit Tom ; mais…

– Je sais. Vous ignoriez quel il était. Tel avait été mon désir. Je suis heureux qu’on l’ait si bien respecté. Je comptais être auprès de vous beaucoup plus tôt. Je croyais le moment venu. Je m’imaginais ne pouvoir en apprendre davantage, ni surtout en apprendre pis sur cet homme, que je n’en avais appris jusqu’au jour où je vous vis pour la dernière fois. Mais j’étais dans l’erreur. »

Tout en parlant, le vieillard s’était approché de Tom, et il lui prit la main.

« J’ai vécu dans la maison, Pinch, et je l’ai vu là faire auprès de moi le chien couchant à mes pieds durant des jours,