Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/410

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l’arrivée des gardes-malades n’était pas éloigné. Jonas arpentait la chambre en tous sens. Le vieillard était dans son coin accoutumé.

La moindre circonstance était pour le meurtrier une cause d’inquiétude ; ainsi, en ce moment, il était tourmenté de l’absence de sa femme, qui était sortie de bonne heure dans l’après-midi et n’était pas encore de retour. Non qu’au fond de ce souci il y eût la moindre tendresse pour Merry, mais il craignait qu’elle ne fût tombée dans un guet-apens et n’eût été pressée de dire quelque chose qui pourrait déposer contre lui quand la nouvelle arriverait. Cependant il savait bien que, pour rien au monde, elle n’eût frappé à la porte de sa chambre pendant l’absence qu’il avait faite, et que, par conséquent, elle n’avait pu découvrir ses machinations. « Que le ciel la confonde ! qu’a-t-elle besoin, avec sa face blême, de courir à droite et à gauche ? où peut-elle être allée ?

– Elle est allée chez sa bonne amie mistress Todgers, dit le vieillard en entendant Jonas accompagner sa question d’un juron furieux.

– Oui ! c’est cela ! elle va toujours en cachette passer son temps dans la compagnie de cette femme qui ne me plaît guère. Qui sait quels complots diaboliques elles peuvent tramer ensemble ? Qu’on aille la chercher et qu’on la ramène tout de suite au logis. »

Le vieillard, murmurant quelques mots à voix basse, se leva comme s’il voulait aller lui-même exécuter la commission. Mais Jonas le rejeta dans son fauteuil avec un mouvement d’impatience, et envoya une servante à la recherche de sa femme. Après avoir donné cet ordre, il se remit à arpenter la chambre sans s’arrêter jusqu’à ce que la servante revînt, ce qui ne tarda pas ; car ce n’était pas loin, et la domestique s’était dépêchée.

« Eh bien ! où est-elle ? vient-elle ?

– Non. Elle a quitté la maison de Mme Todgers depuis trois grandes heures.

– Elle l’a quittée ! … Et était-elle seule ? »

La messagère ne s’en était pas informée, n’en faisant pas le moindre doute.

« Malédiction sur vous, sotte que vous êtes ! Apportez la chandelle. »

À peine la servante était-elle sortie de la chambre, que le vieux commis qui, contre son habitude, n’avait cessé d’obser-