Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/424

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— Mon vieux, dit Jonas à son oncle, vous venez de m’entendre ; homme ou femme, j’en ai assez de tout ce monde-là. Voyez-vous la porte ?

– Voyez-vous la porte ? répéta la voix de Mark, qui arrivait justement de ce côté. Regardez ! »

Jonas regarda, et son regard fut cloué. Seuil fatal, souillé, maudit, maudit par les pas du vieux père à l’heure de l’agonie, maudit par ceux de la jeune épouse affligée, maudit chaque jour par l’ombre du visage du vieux commis, maudit par le passage des pieds du meurtrier ! … Quels étaient donc les hommes qui se tenaient debout sur ce seuil ?

Nadgett, d’abord.

Écoutez ! … La nouvelle du crime est venue avec un hurlement tel que celui de la mer ! des crieurs s’élancent de tous côtés dans la rue en vociférant ; les habitants des maisons voisines ouvrent leurs fenêtres pour entendre ce qu’on annonce ; la foule s’amasse pour écouter sur la chaussée et sur les trottoirs. Les cloches, les cloches même, commencent à retentir, se heurtant les unes les autres dans le carillon de la joie désordonnée que leur cause la découverte du crime (juste les sons que Jonas entendait au fond de ses pensées fébriles) et se balançant dans les airs comme aux meilleures fêtes.

« Voici l’homme ! … dit Nadgett, là contre la fenêtre ! … »

Trois autres individus entrèrent, mirent la main sur Jonas pour s’assurer de lui, et cela fut sitôt fait que Jonas avait les mains garrottées avant qu’il eût pu seulement détourner ses yeux de dessus son accusateur.

« Un meurtre, dit Nadgett promenant son regard sur le groupe étonné. Que personne ne s’interpose ! »

La rue sonore répéta : « Un meurtre, un meurtre barbare et effrayant, meurtre, meurtre, meurtre ! » Ce cri roula de maison en maison, et fut porté par l’écho de pierre en pierre, jusqu’à ce que les voix expirassent dans un bourdonnement lointain qui semblait murmurer encore le mot épouvantable.

Tous les assistants restaient silencieux, écoutant et s’entre-regardant, tandis que le bruit s’éloignait.

Martin prit le premier la parole.

« Quelle terrible histoire est-ce-ci ?

– Demandez-le-lui, dit Nadgett, montrant Jonas. Vous êtes son ami, monsieur. Il peut vous l’apprendre, si ça lui plaît. Il en sait plus long que moi sur ce sujet, bien que j’en sache beaucoup.