Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/437

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comme de raison. Tout compensé, vous pourriez avoir eu des torts chacun de votre côté. Voilà ! maintenant j’en suis débarrassé ! ajouta M. Tapley, dans un accès de résolution désespérée. Je n’ai plus à traîner cette idée dans mon esprit pour m’en casser la tête. J’ai beaucoup fait d’attendre jusqu’à hier. C’est dit à présent. Je n’y puis plus rien, j’en suis bien fâché. Ne faites pas retomber ça sur lui, monsieur. Voilà ! »

Il était clair que Mark s’attendait à recevoir l’ordre de sortir immédiatement, et il était tout prêt à déguerpir.

« Ainsi, monsieur, dit Martin, vous pensez que ses anciennes fautes proviennent jusqu’à un certain point de mon fait ?

– Ma foi, monsieur, répliqua M. Tapley, j’en suis très-fâché, mais je ne puis le nier. C’est fièrement beau de votre part, monsieur, de permettre à un ignorant de se prononcer comme ça : mais c’est en effet ma manière de voir. J’ai pour vous, monsieur, autant de respect qu’il est possible d’en avoir ; mais je pense comme ça. »

Le rayon d’un sourire plein de douceur passa sur les traits sévères de Martin, tandis que le vieillard regardait attentivement Mark sans répondre.

Après un silence de quelques instants, Martin fit cette observation :

« Et cependant, vous êtes un ignorant vous-même, à ce que vous dites.

– Parfaitement, répliqua M. Tapley.

– Et moi, vous me jugez un homme instruit et bien élevé ?

– Oh ! oui, rien de plus certain. »

Le vieillard, appuyant sa main contre son menton, fit deux ou trois tours de chambre avant d’ajouter :

« Vous l’avez quitté ce matin ?

– Je l’ai quitté pour venir tout droit ici, monsieur.

– Soupçonnait-il de quoi il s’agissait ?

– Il ne pouvait pas plus le soupçonner que moi, monsieur. Je lui ai raconté ce qui s’est passé hier, monsieur. Je lui ai appris que vous m’aviez dit : « Pourrez-vous venir à sept heures du matin ? » et que vous m’aviez chargé de lui demander s’il pourrait venir à dix heures ; en ajoutant que j’avais répondu oui pour l’une et l’autre question. Voilà tout, monsieur. »

C’était tout, en effet ; sa franchise si naturelle ne permettait pas d’en douter.

« Peut-être, dit Martin, s’imaginera-t-il que vous allez le quitter pour entrer à mon service ?