Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mœurs et aux évolutions des mouches sur le plafond, ou à celles des moineaux qui voltigeaient au dehors ; ou bien encore il s’efforçait de dissimuler son trouble sous l’excessive politesse avec laquelle il offrait le muffin[1] : et il n’est pas déraisonnable de supposer que, par la mobilité de ces jeux de scène, il éprouvait au plus haut degré l’art que possédait si bien le vieux Chuzzlewit de maîtriser sa physionomie.

Pourtant le vieux Martin était resté parfaitement tranquille, et il déjeuna tout à son aise, ou plutôt il eut l’air de déjeuner : car c’était à peine s’il mangeait et buvait, et souvent il tombait dans de longues rêveries. Quand le vieillard eut fini, Mark s’assit à la même table et se mit à déjeuner pour son propre compte, tandis que M. Chuzzlewit parcourait la chambre en silence.

Mark eut bientôt desservi et préparé pour Martin un fauteuil sur lequel le vieillard s’installa sur le coup de dix heures, appuyant ses mains sur sa canne, les croisant sur la pomme et posant son menton sur le tout. Son impatience et ses distractions avaient disparu ; et en le voyant assis là, attachant sur la porte ses regards fixes et perçants, Mark ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait devant lui une belle et puissante figure, pleine d’énergie et de fermeté. Ou bien il se réjouissait d’avance en songeant que M. Pecksniff, après avoir joué si longtemps une jolie partie de boules avec le propriétaire de ce visage si fortement caractérisé, semblait être enfin au moment de subir une ou deux revanches dont il se souviendrait.

La seule incertitude de savoir ce qu’on allait faire et ce qu’on allait dire, et qui et qu’est-ce, suffisait bien pour piquer la curiosité de Mark. Mais, comme d’ailleurs il savait bien que le jeune Martin était en route et arriverait dans quelques minutes, il avait de la peine à se tenir tranquille et silencieux. Cependant, sauf que par moments il se livrait à une toux creuse et peu naturelle afin de se donner un maintien, il se conduisit avec un grand décorum pendant les dix plus longues minutes qu’il eût jamais eues à supporter.

On frappe à la porte : c’est M. Westlock. En le recevant, M. Tapley fit décrire à ses sourcils l’arc le plus haut possible, pour indiquer qu’il se trouvait dans une situation difficile. M. Chuzzlewit accueillit très-poliment M. Westlock.

  1. Espèce de gâteau