Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/440

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Mark vint donner avis que Tom Pinch et sa sœur montaient l’escalier. Le vieillard alla à leur rencontre, prit les mains de Tom et embrassa Ruth sur la joue. Ce commencement promettait : aussi M. Tapley sourit-il avec satisfaction.

M. Chuzzlewit s’était remis dans son fauteuil, avant que le jeune Martin, arrivé le dernier, entrât à son tour. Le vieillard le regarda à peine et lui indiqua du geste un siège éloigné.

C’était moins encourageant : aussi M. Tapley retomba-t-il dans sa situation difficile.

Un nouveau coup frappé à la porte ramena Mark à lui-même. Il ne s’élança pas, il ne cria pas, il ne tomba pas à la renverse en voyant miss Graham et mistress Lupin : mais il respira longuement et fortement, et s’en revint parfaitement résigné, les regardant d’un air qui semblait dire que désormais il ne s’étonnerait plus de rien, et qu’il était satisfait d’en avoir fini avec ce genre de sensation, à tout jamais.

Le vieillard accueillit Mary avec une tendresse au moins égale à celle qu’il avait montrée à la sœur de Tom Pinch. Entre lui et Mme Lupin, il y eut un air de reconnaissance amicale qui annonçait une entente parfaite. Ceci ne causa aucun étonnement à M. Tapley : car, ainsi qu’il le dit plus tard, il s’était retiré du commerce et avait vendu son fonds.

Ce n’était pas le trait le moins curieux de cette réunion, que chacun des assistants éprouvât une telle surprise, un tel embarras à la vue des autres, qu’aucun d’eux ne s’aventurait à prendre la parole. M. Chuzzlewit seul rompit le silence.

« Laissez la porte ouverte, Mark, dit-il, et venez ici. »

Mark obéit.

Le pas de la dernière personne attendue résonna sur l’escalier.

Tout le monde le reconnut.

C’était M. Pecksniff, et M. Pecksniff bien pressé, qui plus est ; car il montait avec une précipitation si extraordinaire, qu’il trébucha deux ou trois fois.

« Où est mon vénérable ami ? » cria-t-il quand il fut arrivé sur le palier.

Et, les bras ouverts, il s’élança dans la chambre.

Le vieux Martin ne fit que le regarder : ce regard suffit : M. Pecksniff recula vivement, comme s’il avait reçu la décharge d’une batterie électrique.

« Mon vénérable ami se porte-t-il bien ? s’écria M. Pecksniff.

– Tout à fait bien.